Par cette proposition de loi, notre collègue Sophie Auconie défend un objectif louable : celui de lutter contre la déshérence des contrats de retraite supplémentaire, principalement des contrats anciens.
Cette question de la déshérence des produits financiers n'est pas nouvelle. Comme vous l'avez dit, madame la secrétaire d'État, les lois Eckert et Sapin 2 se sont déjà penchées sur le sujet. Toutefois, le problème de la déshérence n'a pas été entièrement résolu. Selon l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, le stock des diverses assurances de retraites supplémentaires non liquidées à 62 ans s'élève à 13,3 milliards d'euros. Il est vrai que tout le monde ne prend pas sa retraite à cet âge-là, mais on constate à 70 ans que le stock s'élève encore à 1,8 milliard d'euros, avec là, vous en conviendrez, une forte présomption de déshérence.
Ainsi, une partie non négligeable de l'épargne des Français est immobilisée sur des comptes et ne profite pas à l'augmentation du pouvoir d'achat de leur bénéficiaire. Cette proposition de loi est donc parfaitement justifiée et revêt un caractère d'utilité publique.
En effet, les procédures actuelles ont montré que ce qui fonctionnait pour les contrats d'assurance vie était mal articulé pour les diverses assurances de retraite supplémentaire.
Grâce à la loi PACTE, des progrès ont été réalisés en matière d'harmonisation du paysage des retraites supplémentaires. Toutefois, ces avancées concernent les stocks nouveaux et ne répondent pas au problème, que ce texte vise à résoudre, des stocks d'épargne anciens.
Renforcer la lutte contre la déshérence des produits d'épargne est important, comme en témoigne le montant moyen de rente versée pour une personne en 2017 : 2 340 euros, soit 195 euros par mois – ce n'est pas négligeable. La retraite supplémentaire n'est donc pas l'apanage des grandes fortunes, mais bien un instrument utilisé par les Français composant la classe moyenne qui souhaitent améliorer leur pouvoir d'achat une fois venu le temps de la retraite.
Face aux carences des assureurs pour retrouver les bénéficiaires des contrats, il faut tout tenter pour réduire les stocks de ces contrats anciens en déshérence.
De nombreuses causes ont été identifiées à l'origine de ce phénomène de déshérence. Les deux principales sont l'oubli des contrats souscrits, ou l'ignorance pour les bénéficiaires, et l'information tronquée, voire parcellaire, des fichiers des assureurs sur les titulaires des contrats.
Pour résoudre ce problème d'information, nous vous invitons à adopter l'amendement no 3 de la rapporteure, à l'article 1er. Il vise à reconstituer les données incomplètes des compagnies d'assurance, en créant un échange d'information entre elles ; le groupement d'intérêt public Union Retraite jouerait le rôle de tiers de confiance. Il s'agit d'une solution clé en main. Union retraite est en capacité d'assumer ce rôle de manière opérationnelle d'ici dix-huit mois, pour une charge financière modeste. Cette solution a en outre le mérite de ne poser aucun problème relatif à la protection des données personnelles, qu'il est évidemment nécessaire de prendre en considération.
Je précise que cette mesure suscite un large consensus parmi les acteurs du secteur de l'assurance, notamment le Comité consultatif du secteur financier ; elle faisait d'ailleurs partie des recommandations formulées par la Cour des comptes.
Pour résoudre le problème de l'oubli ou de l'ignorance des bénéficiaires, un amendement de la rapporteure à l'article 4 propose que la plateforme Ciclade, dont elle a fait la publicité, fasse l'objet d'une communication afin que chaque Français puisse rechercher les encours transférés à la Caisse des dépôts.
Enfin, l'article 3 vise à créer un dispositif expérimental de recherche des bénéficiaires : il définit un cadre permettant de confier à des organismes de recherche le soin de mener des enquêtes approfondies sur certains dossiers transférés à la Caisse des dépôts.
Je rappelle qu'à l'heure actuelle, la loi ne fixant pas de terme pour les contrats de retraite supplémentaire, ceux-ci sont conservés par les organismes gestionnaires, ce qui induit que les bénéfices produits par ces sommes ne profitent pas à la bonification du pouvoir d'achat des souscripteurs de ces contrats. Cette situation est, vous en conviendrez, anormale.
Pour conclure, notre groupe UDI, Agir et indépendants soutient naturellement cette proposition de loi et salue le travail de Sophie Auconie sur un sujet qui paraît technique, mais qui est très concret pour nos concitoyens. Nous sommes donc très surpris, comme je l'avais dit alors, des réticences exprimées par le groupe La République en marche en commission des finances par la voix de notre collègue Daniel Labaronne, là où tous les autres groupes avaient appelé à saisir cette occasion. Dans un calendrier parlementaire chargé, ce serait une erreur de ne pas utiliser ce véhicule législatif pour améliorer le droit sur la déshérence, alors que nous proposons des solutions clés en main, travaillées, concertées et constructives, et que la navette parlementaire pourrait se poursuivre utilement.
La rapporteure a cité Clemenceau. Pour ma part, je citerai Andy Warhol : « On dit que le temps change les choses, mais en fait le temps ne fait que passer et nous devons changer les choses nous-mêmes. » Alors, mes chers collègues, pour terminer en beauté les séances d'aujourd'hui, je vous propose de faire bouger les choses ensemble, ce soir, en votant cette proposition de loi.