La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui n'est pas une idée nouvelle mais le fruit d'un travail de réflexion engagé il y a maintenant près de quinze ans, qui a mené aux premières lois en France sur la déshérence des produits financiers, prises notamment sous l'impulsion de notre collègue sénateur de la Marne, Yves Détraigne. Force est de constater que la question de la déshérence ne se limite pas au seul devenir des contrats d'assurance sur la vie ou des comptes bancaires inactifs. La proposition de loi de Sophie Auconie aborde ainsi la question des retraites supplémentaires qui composent le troisième étage de notre système de retraites.
Il aura fallu trois lois pour arriver à la loi Eckert qui encadre la déshérence des comptes bancaires inactifs et des assurances vie. Par la suite, la loi Sapin 2 a eu pour objectif de créer un premier cadre en matière de déshérence des retraites supplémentaires, en instaurant, pour les assurances, une obligation d'information envers les bénéficiaires. Enfin, la loi PACTE a assuré la possibilité de transférer les plans retraite et a défini une date par défaut à laquelle la déshérence des contrats de retraite supplémentaire est caractérisée.
Ces textes n'étaient pas parfaits, mais ils ont au moins eu le mérite de résoudre en partie les problèmes liés à la déshérence. La proposition de loi Auconie n'est certes pas parfaite non plus, mais elle va dans la bonne direction.
Que deviennent ces contrats d'assurance supplémentaire retraite ? La loi ne fixant pas de terme, ils sont conservés et les bénéfices qu'ils produisent deviennent, au bout d'un certain temps, des profits exceptionnels. Cette situation est totalement anormale : les assurances s'enrichissent sur le dos de personnes souvent modestes. Rappelons-le, la somme moyenne d'une retraite supplémentaire est de 2 000 euros : il ne s'agit pas de centaines de milliers d'euros. Comme l'a déclaré en commission Charles de Courson, ce qui est anormal, c'est l'enrichissement d'organismes d'assurance qui ne font pas leur travail. En 2018, le montant des contrats en déshérence était estimé à près de 13 milliards d'euros. Cela fait 13 milliards en moins de pouvoir d'achat pour nos concitoyens, et c'est pourquoi il est aujourd'hui nécessaire de leur restituer cette somme.
La proposition de loi a le mérite de présenter des solutions concrètes, comme le fait de ramener de dix à trois ans le délai de déclenchement du processus de déshérence ou encore le lancement d'une grande campagne de communication concernant le fichier Ciclade – démarche d'autant plus nécessaire que selon l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, si ce fichier a fait l'objet de plus de 1,2 million de consultations en 2017, celles-ci sont tombées à seulement 350 000 en 2018.