Intervention de Philippe Vigier

Séance en hémicycle du mardi 4 février 2020 à 21h30
Débat sur le financement des retraites

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Vigier :

J'y vois une désorganisation des travaux d'autant plus dommage que ce chantier a fait l'objet de deux années et demie de concertation. Qu'un tel calendrier nous soit imposé ainsi, alors qu'il s'agit de 350 milliards d'euros, d'un sujet qui est dans toutes les têtes !

Le mot retraite est associé à celui de confiance : nos concitoyens peuvent-ils avoir confiance dans le système que l'État met en place avec les partenaires sociaux ? Un sondage paru il y a quelques jours est assez évocateur, qui a révélé que les jeunes générations interrogées n'ont pas confiance dans le système de retraite. C'était pourtant, chacun le sait, un acquis absolument formidable de 1945. Cela signifie, madame la ministre, qu'il faut répondre à cette première question : comment bâtir un système qui inspirera confiance ?

J'y ajoute une deuxième question, celle de la gouvernance. En effet, la conférence sur le financement et l'équilibre des retraites s'est ouverte et il a fallu trouver une solution, une voie de passage, pour que la CFDT revienne autour de la table et que la situation puisse se débloquer. Or – et je m'adresse là au nouveau rapporteur général du budget, dont j'imagine qu'il aura le même jugement que moi – lorsqu'il s'agit de 350 milliards d'euros, l'exercice semble nécessiter un minimum de rigueur. Dans cet hémicycle, on se bagarre parfois pour quelques dizaines de millions d'euros ; alors, lorsqu'il s'agit de 350 milliards, de 14 % du PIB et surtout d'un système que nous avons voulu, les uns et les autres, redistributif, il convient d'apporter de vraies réponses.

Comme le demandait tout à l'heure Jean-Noël Barrot, le Fonds de réserve pour les retraites sera-t-il touché ou non ? Et les 60 milliards de l'AGIRC-ARRCO ? Et au passage, alors qu'on se pose beaucoup de questions sur le fameux âge d'équilibre, je rappelle que ce dernier organisme l'a porté à 65 ans sans que personne ne dise mot. Personne. Cela signifie donc que, pour avancer, il faut également faire confiance aux partenaires sociaux.

Naturellement, la troisième question concerne la valeur du point, sur laquelle j'ai déjà interrogé le Premier ministre à deux reprises. Je sais que la loi prévoira la possibilité de vérifier chaque année la tenue de la trajectoire, à l'occasion du projet de loi de financement de la sécurité sociale – PLFSS.

Mais si la valeur du point est essentielle, c'est également parce qu'elle représente un élément de confiance. Les retraités se souviennent que l'augmentation de la contribution sociale généralisée – CSG – a entraîné une perte de pouvoir d'achat. Tous ceux qui touchent actuellement plus de 2 000 euros de retraite savent bien qu'en 2020, les retraites n'ont été augmentées que de 0,3 point, alors même que l'inflation est de 1,3 point.

C'est pourquoi nous avions proposé qu'en matière de valeur du point, madame la ministre, le Parlement puisse chaque année, à travers l'examen du PLFSS, jouer pleinement son rôle. Je l'ai d'ailleurs dit l'autre jour, lors de l'audition des partenaires sociaux par la commission spéciale : pour une bonne gouvernance, laissons le Parlement jouer tout son rôle et donnons aux représentants du peuple que nous sommes la possibilité de participer aux travaux et au rendez-vous annuel sur la trajectoire des retraites ! Il y a eu tellement de déceptions ! On a raconté tellement d'histoires ! Certains voulaient revenir à la retraite à 60 ans : où en sommes-nous ? Les décotes ne devaient jamais exister mais votre prédécesseure, madame Touraine, a fait en sorte qu'elles existent. Je n'ai pas oublié tous les débats que nous avons eus, ici même, depuis quelques années.

Chacun l'a bien compris, la question suivante porte sur l'application du système à certaines professions, comme les enseignants ou les fonctionnaires de la fonction publique territoriale. Là encore, le mot confiance est essentiel. Dans la territoriale, certains bénéficient de régimes indemnitaires supérieurs au régime de base. Avec le système que vous entendez mettre en place, les gros salaires de la fonction publique territoriale seront-ils les seuls à toucher une meilleure retraite demain ? Les personnes en bas de l'échelle, qui ont des régimes indemnitaires très faibles, seront-elles pénalisées par le nouveau mode de calcul, qui ne se fondera plus sur les six derniers mois mais sur les quarante années précédentes ? Pour eux, pour les enseignants, pour tous les citoyens, bénéficier d'un simulateur permettant des mises en situation me paraît participer naturellement de la confiance.

Le groupe Libertés et territoires sera extrêmement vigilant quant à tout cela. Je regrette que nous abordions ce débat parlementaire avec 22 000 amendements : je le dis clairement, cela ne nous rend pas crédibles. Un tel sujet ne saurait être abordé dans de telles conditions de travail. En revanche, renvoyer à demain la question du financement d'une réforme aussi importante rend la décision très difficile à prendre. Comment émettre un vote éclairé alors que même le Conseil d'État vous a demandé, madame la ministre, vous le savez, de documenter la réforme ?

Un dernier mot sur les ordonnances. J'ai déjà demandé à deux reprises au Premier ministre s'il serait prêt à consulter les groupes politiques. Nous ne pouvons pas vous donner un blanc-seing ! Je n'ai toujours pas de réponse : peut-être viendra-t-elle ce soir, peut-être nous direz-vous que de vingt-neuf ordonnances, nous passons à neuf… En tout cas, cette consultation serait un signe de confiance à l'égard du Parlement.

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