J'entends plusieurs interrogations dans votre question. Tout d'abord, l'objectif de la réforme n'est pas la suppression des régimes spéciaux mais l'universalité, qui veut que chaque euro cotisé par chaque Français ouvre les mêmes droits, et que nous soyons tous solidaires les uns des autres plutôt que de l'être par profession ; un tel système, nous en connaissons en effet les travers, surtout pour les professions dont la démographie n'est pas dynamique : je pense aux agriculteurs, qui ont été les premiers à payer le prix de leur déclin démographique, si bien que leur système de retraite ne leur assure plus de pensions suffisantes.
Cette universalité permet l'équité ; elle permet la solidarité entre tous les Français. Cette forme de stabilité passe évidemment par la suppression des régimes spéciaux ; mais elle ne passe pas, heureusement ou malheureusement, par la suppression des quelques spécificités de quelques fonctions, par exemple les fonctions régaliennes. Ceux qui les exercent ne bénéficieront pas d'un régime spécial, mais nous ne souhaitons pas pour autant voir un militaire de carrière monter au front à 63 ans. Il est absolument normal de tenir compte de la spécificité de certaines professions, notamment l'exposition au danger. Cela ne remet en cause ni l'universalité, ni l'équité.
Ensuite, vous avez parlé de la politique familiale. Cette réforme, profondément redistributive, favorisera les femmes les plus précaires, les familles monoparentales qui comptent un ou deux enfants et ne bénéficient donc pas des 20 % accordés au troisième enfant. C'est une bonne chose que ces familles d'un ou deux enfants soient reconnues.
Par ailleurs, je ne crois pas qu'il appartienne au système des retraites de promouvoir la natalité, même s'il est très important de tenir compte de ce qu'induit un enfant dans une carrière professionnelle, de la charge qu'il représente, en quelque sorte, en particulier pour la progression de la carrière des femmes. Les jeunes qui font aujourd'hui des enfants ont besoin d'être accompagnés dans leur vie professionnelle : ce n'est pas seulement en leur accordant des points à 60 ou à 65 ans que nous rattraperons le déficit de notre natalité.