C'est sur ces priorités géographiques et sectorielles qu'il convient de s'interroger dans un premier temps.
En la matière, la question porte souvent sur le fait de savoir si l'aide publique au développement peut être définie comme le prolongement de la politique étrangère d'un pays ou si elle doit rester indépendante de telles considérations. Nous croyons, pour notre part, que l'équilibre entre l'aide bilatérale et l'aide multilatérale, ainsi que la force des ONG – organisations non gouvernementales – dans ces dispositifs, nous invitent à dépasser ce questionnement pour nous concentrer sur les besoins les plus urgents et sur la cohérence de l'action de la France à l'étranger, afin qu'elle s'inscrive dans la durée et que les projets soient menés à leur terme.
Cette exigence nous oblige, par exemple, à porter une attention particulière à la frontière sud de notre continent : en Afrique – particulièrement en Afrique sahélienne et subsaharienne – , nous devons penser des politiques qui prennent le relais des opérations que nous menons dans certaines zones pour en assurer la sécurité. Voilà qui répond en partie à la question de l'objectif stratégique que nous voulons atteindre. Nous l'avons souvent répété : le retour de la sécurité et de la paix dans cette partie de l'Afrique passera inévitablement par un effort de redressement de l'économie des pays concernés, mais aussi par un renforcement de leur État, de leurs administrations et de leurs services publics.
Ce constat vaut d'ailleurs, à l'échelle mondiale, pour toutes les initiatives menées dans le cadre de l'aide publique. Il s'agit là, au demeurant, d'une demande déjà ancienne et forte des acteurs politiques, associatifs et économiques des pays destinataires de l'aide publique au développement. Cet objectif doit donc trouver sa concrétisation dans la prochaine loi d'orientation et de programmation : la continuité entre l'engagement militaire et la politique de développement doit être renforcée.
Le deuxième objectif stratégique a trait à la consolidation des États : nous devons accorder en priorité notre aide au développement aux États qui demandent à être renforcés. Il s'agit alors de soutenir ces pays dans la construction de leurs services publics, à commencer par l'éducation, les transports – et donc les infrastructures – , mais aussi la construction d'une administration. Cela nécessite des capacités de formation, qui seront déterminantes – tous les acteurs ont soulevé ce besoin.
L'apport de la France en matière de développement pourrait ainsi être celui d'un pays qui s'engage durablement. Nous savons que le sujet du suivi des projets sur le long terme revient régulièrement dans les critiques parfois formulées à l'encontre de l'aide publique au développement. Nous devons, par conséquent, nous doter d'outils qui nous permettent de répondre à ces besoins tout en apportant souplesse et rapidité d'action.
Ces considérations nous conduisent à nous interroger, en dernier lieu, sur le pilotage de l'aide au développement. Nous connaissons les travers souvent dénoncés à ce sujet : des acteurs multiples – pour ne pas dire pléthoriques – , un faible pilotage, une déperdition des financements… Tout cela ne participe pas de l'efficacité que nous sommes en droit d'attendre au vu des montants engagés. C'est pourquoi l'effort de rationalisation entrepris depuis plusieurs années doit être poursuivi.
La signature des contrats d'objectifs et de moyens avec les institutions et les organismes doit être l'occasion de leur fixer des objectifs clairs. Là encore, cette critique revient souvent, à juste titre : les acteurs locaux se plaignent de ce que l'aide publique au développement ne leur parvienne jamais dans les proportions annoncées et, qu'au gré des intermédiaires et des structures, les sommes promises soient réduites à peau de chagrin. Nous avons tous connaissance d'exemples concrets en la matière. Il s'agit là, monsieur le secrétaire d'État, d'un phénomène d'importance qui décourage bien souvent les acteurs et désespère les populations.
D'autre part, dans le cadre des appels à projets, la difficulté des montages financiers à concevoir pour coordonner des aides provenant d'acteurs et de bailleurs multiples conduit à ce que de nombreux projets de terrain n'aboutissent jamais ou prennent un temps infini. Il est donc plus que jamais nécessaire d'alléger le millefeuille d'acteurs et d'intermédiaires pour rendre notre aide au développement plus efficace. Des initiatives sont déjà prises en ce sens, comme la réforme de l'expertise française et la poursuite de l'intégration d'Expertise France au sein du groupe AFD – Agence française de développement.
De même, la question du pilotage soulève celle de l'évaluation nécessaire pour garantir l'atteinte des objectifs que nous assignons à l'aide publique au développement.
Voilà quelques-uns des enjeux qui nous paraissent essentiels. J'en évoquerai un dernier : celui de l'intégration toujours plus poussée des autorités et des acteurs locaux à la définition des objectifs et des moyens. Le Président de la République a d'ailleurs estimé que nous devions faire évoluer notre manière d'agir en ce sens, pour progresser vers des accords de développement impliquant une responsabilité partagée. C'est ainsi que nous pourrons inscrire durablement notre action au bénéfice des populations.
La future loi d'orientation et de programmation nous offre une occasion de renforcer notre position dans le monde. La confiance, qui doit sous-tendre l'intégralité de notre relation avec nos partenaires, doit s'accompagner d'une action qui gagne en efficacité et en rapidité.
Les formes multiples de cette politique représentent un défi pour nous et pour ceux qui ont la charge de son application. Nous croyons fermement qu'elle peut faire l'objet d'un consensus au sein de cette assemblée. C'est pourquoi il est important que nous ayons des temps d'échange afin de faire converger nos points de vue. C'est en tout cas ce à quoi s'emploiera le groupe du Mouvement démocrate et apparentés.