Intervention de Mathilde Panot

Séance en hémicycle du mercredi 5 février 2020 à 15h00
Débat sur la réforme des retraites — Débat

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMathilde Panot :

Ah, le Gouvernement fait donc cette réforme des retraites pour notre bien … envers et contre nous. Il veut donc juste nous protéger des maladies et de la mort ! Eh bien, c'est rare que je le dise, mais vous avez raison, madame la ministre. Comme disait le talentueux humoriste Albert Meslay : « La retraite, c'est très dangereux. Les chiffres sont là. Le taux de mortalité est beaucoup plus élevé chez les retraités que chez les actifs ! La retraite, personne n'en sort vivant. » Et d'ailleurs, il faisait même une modeste proposition : inscrire en bas de tous les bulletins de retraite du pays en gros, en gras, et encadré en noir « la retraite tue ». Alors merci à votre gouvernement, au président-roi Macron et aux députés La République en marche de nous protéger de tant de souffrance. Finalement, quoi de mieux que d'éviter ce moment très dangereux de la retraite où la mort nous guette, qu'en mourant directement au travail ?

La retraite serait alors un droit réservé aux morts, ce qui aurait de multiples avantages. Le premier serait le respect de votre fameux équilibre financier. Ensuite, on pourrait aussi noter que les défunts, n'ayant pas de besoins fondamentaux comme se loger, se nourrir ou se chauffer, seraient tous à égalité et que leur dignité serait enfin respectée. Un avantage certain serait surtout, pour vous, que les morts sont des citoyens silencieux, contre lesquels vous n'aurez pas à utiliser la matraque, la prison, le mensonge ou le mépris ; bref, ce sont pour vous des citoyens exemplaires et toujours d'accord avec le Gouvernement. J'ajoute même que la retraite pour les morts, à l'heure d'une perte de sens généralisée dans notre société, pourrait être le nouveau paradis sur terre après une dure vie de labeur ! Les jeunes pourraient ainsi ne plus rêver d'être millionnaire mais, à leur retraite, au cimetière… et l'idée du système de retraite par répartition, l'idée de solidarité, finirait six pieds sous terre, oubliée de tous les Français. La retraite pour les morts, c'est votre réforme ! Le meilleur exemple en est les égoutiers, car ils ont une espérance de vie en bonne santé de dix-sept années inférieure à la moyenne des Français et, dans le système actuel, ils partent, du fait de la pénibilité de leur métier, à 52 ans, alors que vous leur proposez de partir à 62 ans, quand ils seront morts ! Qui va alors vouloir faire ce métier extrêmement important pour la salubrité publique de toutes et tous ? Personne !

Il serait bon de rappeler à Mme Sibeth Ndiaye et à tout le Gouvernement que ce qui tue en France, ce n'est pas le droit à une retraite digne, ce n'est pas l'hygiène de vie comme aime le raconter le rapporteur Nicolas Turquois, mais les politiques que vous persistez à mener.

Aujourd'hui, ce qui tue en France, c'est le chômage de longue durée : 14 000 personnes en meurent chaque année directement. Et radier les chômeurs de l'indemnisation chômage ne fera qu'aggraver ce drame !

Aujourd'hui ce qui tue en France, ce sont les accidents du travail : 500 personnes au moins en meurent chaque année.

Aujourd'hui ce qui tue en France, c'est la pénibilité, et votre gouvernement a décidé dès le début de la législature de supprimer quatre critères de pénibilité, notamment les charges lourdes et l'exposition aux produits chimiques.

Aujourd'hui ce qui tue en France, c'est la pauvreté et la précarité, et vous savez très bien que la retraite à points va faire plonger des centaines de milliers de retraités dans la pauvreté comme le montrent tous les exemples internationaux où ce système a sévi.

Car si nous vivons plus longtemps, c'est justement parce qu'on travaille moins longtemps ! Le recul du temps de travail dans la semaine, dans l'année et dans la vie, voilà le progrès véritable ! À quoi bon travailler plus longtemps que le temps nécessaire à produire ce dont nous avons besoin ? La productivité a augmenté au point qu'un salarié français produit trois fois plus aujourd'hui que dans les années 70. Il est vrai que les salariés qui travaillaient en moyenne neuf jours gratuitement pour remplir les poches des actionnaires dans les années 80, travaillent aujourd'hui quarante-cinq jours pour gaver ces mêmes actionnaires !

Non, c'est non ! Nous n'en pouvons plus de ce monde de malheur qui vise à gaver toujours plus les riches et les fonds de pension. Nous voulons la retraite à 60 ans à taux plein. Tel est notre horizon d'avenir. Nous avons droit à ce temps libéré, à ce nouvel âge de la vie qui permet repos, recherche intellectuelle, voyages ou engagement associatif et au cours duquel on peut se consacrer à sa vie amicale et familiale.

C'est contre votre monde de misère que le peuple se lève ! C'est à ce monde solidaire que nous aspirons !

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