Intervention de Fabien Roussel

Séance en hémicycle du mercredi 5 février 2020 à 15h00
Débat sur la réforme des retraites — Débat

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFabien Roussel :

Votre texte de loi est pire que ce que vous aviez annoncé, madame la ministre.

Vous aviez annoncé un âge pivot à 64 ans, qui a été retiré provisoirement. Il y a en fait, dans le texte déposé à l'Assemblée, un âge de départ en retraite à 65 ans.

Vous aviez garanti que l'on consacrerait 14 % du PIB à notre système de retraite. En fait, avec le projet de loi, cette part passera à 12,9 %. Ce serait d'ailleurs la première fois depuis 1946 qu'elle baisserait, alors même que le nombre de personnes âgées, quant à lui, ne cesse d'augmenter dans notre pays – et c'est une chance ! Encore faut-il être à la hauteur de ce progrès de société ; c'est loin d'être votre cas.

À la place, vous administrez une potion amère dont les ingrédients sont particulièrement indigestes : une baisse du montant des pensions pour un grand nombre de Français à cause de votre nouveau mode de calcul – sur la base des pires années au lieu des meilleures aujourd'hui – et un report de l'âge de la retraite à 65 ans ou, pour les métiers pénibles, à 63 ans, contre 60 aujourd'hui.

Cette potion amère, les Français n'en veulent pas ! Ils vous le disent en masse, et cela prend une dimension inédite : avez-vous déjà vu autant de professions différentes unies contre une réforme ? Avez-vous déjà vu des avocats balancer leur robe, des hospitaliers tomber la blouse, des enseignants jeter des cahiers, des pompiers poser le casque, des égoutiers jeter leurs outils de travail, des cadres aussi exprimer leur colère ? Et il y en a tant d'autres encore ! Je n'oublie pas les lycéens et les acteurs de la culture.

Soixante jours de mobilisation ! C'est historique ! Jamais notre pays n'a connu un mouvement social aussi fort, aussi déterminé. Pourtant, vous vous obstinez à maintenir votre texte de loi.

Qui plus est, vous maniez la matraque comme rarement notre démocratie l'a fait. Jamais les violences policières n'ont été aussi nombreuses, le doute étant jeté sur les ordres donnés par la hiérarchie. Jamais non plus les grévistes n'ont subi autant de répression, de convocations, de brimades, que ce soient les électriciens, les cheminots, les agents de la RATP, les dockers ou les pompiers, voire, désormais, les lycéens. Nous ne comptons plus les militants syndicaux, les jeunes et les salariés convoqués par les tribunaux.

Je veux le redire solennellement ici, à l'Assemblée nationale : nous sommes solidaires de tous ces salariés ! Ce sont eux les héros de notre pays, et non les Carlos Ghosn et autres Balkany issus de votre classe, celle des riches.

Oui, il y a un problème de démocratie ! Oui, vous êtes un pouvoir autoritaire !

On est loin de l'ambition de 1946, quand Ambroise Croizat et le gouvernement dirigé par le général de Gaulle recherchaient l'unanimité au Parlement pour créer le système de sécurité sociale que nous connaissons aujourd'hui, reconnu dans le monde entier. Ils ont réussi, eux, à réaliser l'unanimité dans notre pays.

Notre pays a effectivement changé depuis 1946 : nous produisons aujourd'hui quatre fois plus de richesses ; la France est la sixième puissance économique au monde. Nous avons même chez nous l'homme le plus riche de la planète, Bernard Arnault. Et il n'y aurait pas d'argent ?

Pour sortir de l'impasse dans laquelle vous vous êtes vous-mêmes enfermés, il n'y a plus désormais qu'une seule solution : redonner la parole au peuple !

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