Je déplorais hier l'iniquité d'une réforme des retraites dont le financement demeure impensable sans une révision profonde des régimes d'exception et des grâces accordées à la fonction publique. Aujourd'hui, je dois regretter qu'elle ne soit pas plus équitable qu'elle n'est universelle. Derrière cette réforme, en effet, se trouve une ambition plus inquiétante de votre Gouvernement. Le secrétaire d'État Olivier Dussopt se réjouissait de proposer une réforme inédite depuis 1945, et pour cause : il est inédit qu'un gouvernement s'accapare un domaine qui, jusqu'à présent, n'était pas de son entier ressort. Vous faites mieux que les communistes en 1945 !
Cette réforme n'a d'universelle plus que le nom, qu'elle brandit en étendard pour justifier l'absence de révision du système de retraites des fonctionnaires statutaires au détriment d'autres professions – des organisations professionnelles qui, une fois de plus, seront les victimes silencieuses d'un État jacobin s'accaparant des caisses professionnelles excédentaires. Je rappelle que ces dernières, contrairement à l'État ultra-déficitaire, ont fait un grand effort de prévoyance.
Votre réforme n'est pas équitable et n'aspire en rien à l'universalité. Elle n'est que la manifestation d'un transfert de compétences vers un État centralisateur, recourant autant qu'il lui sied à des ordonnances sur des questions éparses et délicates. L'avis consterné du Conseil d'État souligne la faiblesse de votre projet, qui risque en bien des points d'être frappé d'inconstitutionnalité et que, dans les faits, vous aurez mille et une peines à appliquer tant il semble dogmatique et coupé des réels besoins des Français.
M. Djebbari a montré le peu de cas que le Gouvernement faisait de cet avis en répondant que « c'est bien le Gouvernement qui gouverne en France, et le Gouvernement assume ses responsabilités devant le Parlement ». C'est devant les Français que je vous invite, pour les décennies à venir, à assumer les responsabilités de ce texte lacunaire et inique dont le Conseil d'État ne peut même pas garantir la sécurité juridique.
Comment le Gouvernement compte-t-il justifier la véritable préemption des caisses excédentaires qui, au cours des dernières années, se sont illustrées par leur gestion exemplaire, sans le concours de l'État ?