Monsieur Vercamer, je vous remercie de votre question, qui, comme la précédente, est d'une très grande difficulté. Nous sommes tous d'accord, me semble-t-il, sur un point : pour éviter la formation des archipels que j'évoquais tout à l'heure, nous devons absolument parvenir, dans une ville donnée, prise dans la globalité de son territoire, à faire vivre les citoyens les uns avec les autres et non les uns à côté des autres.
Or il faut bien constater que nous avons créé, depuis des décennies, un système au sein duquel on trouve trop souvent ici les logements sociaux – attribués aux ménages en situation de grande précarité dès qu'ils sont libérés par ceux qui empruntent l'ascenseur social – et plus loin des zones bien mieux loties. Dans ce contexte, nous sommes tous d'accord, me semble-t-il, pour souscrire à la vision politique – à l'échelle nationale comme à l'échelle locale – selon laquelle il faut absolument assurer partout la mixité sociale.
En revanche, il me semble essentiel d'y parvenir non par le truchement de la loi, mais en se penchant sur les règles de l'ANRU, l'Agence nationale pour la rénovation urbaine. J'y suis très attaché.
Il existe un souhait légitime des populations concernées, comme vous l'avez fort bien dit, monsieur Vercamer. Que constatons-nous ? Lorsque l'on détruit une tour et que l'on propose à ses habitants d'être relogés dans un autre quartier de la ville, la plupart répondent : « Vous êtes bien gentil, ce que vous faites est très bien, mais j'aime mon quartier et je veux y rester ».
Il existe donc un souhait démocratique en ce sens, qu'il faut placer en regard d'une impérieuse nécessité sociétale qui ne l'est pas moins, imposant de consentir un effort collectif en faveur de la mixité sociale de la population – je déteste le terme, mais vous me comprenez.
À mes yeux, cette situation impose une règle : agir avec pragmatisme. Il faut accompagner les gens. Or l'accompagnement suppose de ne pas figer les règles de l'ANRU.
Il peut donc nous arriver de les transgresser et de les modifier ici ou là, si la population manifeste un fort attachement à son quartier, afin de trouver le moyen de rénover celui-ci, même si cela ne satisfait pas aux critères que vous évoquiez, ou d'accompagner au mieux celle-là, pour faire en sorte qu'elle finisse par éprouver l'envie d'être relogée ailleurs. En la matière, l'important est de faire preuve d'un humanisme sans faille.