Je salue les efforts engagés par le Gouvernement pour faire face à l'effet d'extraterritorialité de certaines lois américaines sur des enjeux cruciaux pour la France et l'Europe. Du point de vue économique, bien entendu, cela tend à fausser la libre concurrence entre les entreprises américaines et leurs rivales européennes sans que des recours efficaces et impartiaux puissent être engagés. Mais les effets sont avant tout politiques, puisqu'il s'agit ni plus ni moins de la préservation de notre souveraineté et de notre capacité de projection sur la scène internationale.
Notre réponse doit donc être ferme et sans détour, en privilégiant, bien sûr, le dialogue avec les États-Unis. Mais un tel dialogue ne pourra aboutir que s'il est coordonné avec nos partenaires européens, et si l'Union européenne parvient à se doter des outils pour faire valoir ses intérêts.
Ce constat peut être transposé à la situation que connaît actuellement l'OMC. Pour contourner la situation de blocage que connaît l'institution depuis le 11 décembre 2019, certains pays, emmenés par l'Union européenne, proposent de mettre en place un organe d'appel temporaire qui ne s'appliquerait qu'aux États ayant manifesté la volonté de s'y soumettre et perdurerait aussi longtemps que l'organe d'appel permanent resterait paralysé.
Cette proposition permettrait a minima le règlement des différends commerciaux pendant cette période de paralysie. Elle illustrerait également la capacité de leadership de l'Union européenne quand il s'agit de défendre le multilatéralisme. Cependant, elle pourrait aussi avoir d'importantes conséquences à terme. Si les négociations échouent et que l'organe temporaire perdure, il pourrait engendrer une OMC à deux vitesses, ouvrant ainsi une brèche dans le principe du consensus, consubstantiel à l'OMC. Cela constituerait un précédent qui contribuerait à l'affaiblissement du multilatéralisme, au lieu de remédier à ses insuffisances.
Pouvez-vous nous indiquer l'état des négociations concernant la création de cet organe temporaire ? Quels risques pourraient en découler pour le multilatéralisme ? Qu'envisagez-vous pour l'éviter ?