Le Sénat a soutenu les objectifs de la présente proposition de loi. Il s'agit, d'une part, d'appeler l'attention sur ce sujet majeur qu'est l'arrêt cardiaque et, d'autre part, de favoriser la formation de la population aux gestes qui sauvent et de modeler un régime de responsabilité favorable à une intervention dans ce domaine.
Le Sénat a toiletté le texte en supprimant des dispositions ne relevant pas du domaine de la loi, ce que nous saluons. Nous avions souligné en première lecture que cette proposition de loi comportait de nombreuses mesures réglementaires. Les supprimer permet d'assurer une meilleure lisibilité des droits et de respecter la Constitution. Il est étonnant que le rapporteur veuille reprendre, par amendements, ces dispositions. L'article 41 de la Constitution ne devrait-il pas s'appliquer ?
Faire respecter la séparation des domaines respectifs de la loi et du règlement ne signifie pas que l'on trouve inutiles les mesures qui sont proposées. La sensibilisation de tous aux gestes de premiers secours est importante. En la matière, la France est loin de répondre aux standards de base, et elle accuse un certain retard par rapport à ses voisins européens. Le groupe UDI, Agir et Indépendants partage largement le constat qu'il est nécessaire d'améliorer l'éveil aux gestes qui sauvent. J'invite les autorités compétentes à prendre leurs responsabilités dans ce domaine.
En ce qui concerne le coeur de la proposition de loi, le Sénat a transformé le statut de « citoyen sauveteur » en celui de « sauveteur occasionnel et bénévole ». Quelle que soit la désignation retenue, nous pensons, comme en première lecture, que l'intention est bonne mais nous émettons des réserves : un tel statut peut être à double tranchant. En prévoyant un cadre juridique pour un acte normalement spontané, en donnant une forme légale à ce qui relève d'un geste souvent instinctif et naturel, on peut sécuriser l'action mais on risque aussi de la retenir. Par ailleurs, nous nous interrogeons sur la plus-value par rapport au droit positif : celui-ci assure déjà largement la protection juridique du sauveteur occasionnel et permet en théorie d'écarter sa responsabilité, tant pénale que civile, du fait d'un dommage causé lors de son intervention, grâce à l'état de nécessité prévu à l'article 122-7 du code pénal. En outre, le régime jurisprudentiel des collaborateurs occasionnels ou bénévoles du service public permet d'assurer l'indemnisation, par la puissance publique, de la victime d'un dommage. Les dispositions figurant dans cette proposition de loi conduisent donc à se poser des questions. Les mesures prévues seront-elles applicables ? Vont-elles clarifier les conditions d'action pour les citoyens qui viendraient en aide ou, au contraire, semer le doute ?
En revanche, le renforcement des sanctions en cas de vol ou de dégradation d'un défibrillateur cardiaque est une bonne mesure, qui permettra d'accroître l'efficacité de la proposition de loi de mon ami Jean-Pierre Decool, entrée en vigueur en 2018. La sévérité est de mise pour ces actes malveillants et dangereux.
En conclusion, tout ce qui pourrait permettre de sauver des vies doit être soutenu. Toutefois, nous trouvons que des questions demeurent sur un plan strictement juridique.