Intervention de Laurent Pietraszewski

Réunion du mardi 28 janvier 2020 à 21h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite

Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, chargé des retraites :

..tout en incitant les Français, sans les y forcer, à travailler un peu plus longtemps, et cela dans le but de garantir les pensions et de financer un niveau élevé de solidarité. En effet, le projet de système universel comporte, dans sa construction même, un effet fortement redistributif, et conservera le même niveau de dépenses de solidarité que le système actuel. Nous l'avons dit : le projet de système universel inclut de très nombreux mécanismes de solidarité mieux adaptés à la réalité de notre société et de nos parcours professionnels, mais aussi aux nouvelles précarités, et destinés à éviter que les aléas de la vie professionnelle et personnelle aient un impact trop significatif sur la retraite. C'est tout le sens, notamment, de la mise en place d'une pension minimale, que j'évoquais, dont le niveau est de 85 % du SMIC net pour une carrière complète. C'est aussi le sens de l'harmonisation des dispositifs de solidarité, qui met fin aux inégalités, par exemple en matière de droits familiaux ; de l'indexation des points acquis sur les salaires et non sur l'inflation ; de la prise en compte de la pénibilité des carrières longues – dans les mêmes conditions, d'ailleurs, je le rappelle, que le système actuel – ; de la prise en compte également de certaines spécificités, non plus selon une logique de statut ou en raison de l'appartenance à telle ou telle entreprise, mais selon une logique de métier, car le système universel n'est pas pour autant un système uniforme, ce que nous assumons parfaitement. Enfin, l'harmonisation des régimes de réversion et la protection du conjoint le plus fragile, en lui garantissant 70 % du total des retraites de son couple dès 55 ans et sans condition de ressources, vont aussi dans le sens d'une solidarité renouvelée.

Responsabilité, enfin, à l'égard des jeunes générations, auxquelles il serait irresponsable de demander de payer, en plus de nos retraites, les déficits que nous aurions accumulés parce que nous n'aurions pas voulu payer la totalité des retraites de nos aînés. Le système universel de retraite doit répondre à un objectif de soutenabilité et d'équilibre financier, garantissant sa solidarité, sa solidité, sa stabilité et sa viabilité. À cet effet, la conférence sur l'équilibre et le financement des retraites sera installée par le Premier ministre à la fin de cette semaine, jeudi, et remettra d'ici à la fin du mois d'avril ses propositions pour assurer l'équilibre du système de retraite d'ici à 2027.

Après vous avoir présenté de façon générale les grands principes et la philosophie même du système universel de retraite, je souhaiterais brièvement, et avant de répondre à vos questions, vous présenter plus en détail quelques-uns des dispositifs contenus dans les deux textes que nous allons examiner ensemble.

Le projet de loi organique comprend, comme vous le savez, trois types de mesures. Premièrement, les lois de financement de la sécurité sociale prévoiront l'équilibre du système de retraite par périodes de cinq années glissantes et définiront, le cas échéant, le traitement des déficits accumulés en cas d'écart entre la trajectoire initiale et les réalisations. Deuxièmement, nous avons élargi le champ des lois de financement de la sécurité sociale aux régimes complémentaires, qui en sont aujourd'hui exclus, afin de créer une vision globale des recettes et des dépenses du système de retraite et d'en mesurer globalement les effets – c'est l'objet de l'article 2. Troisièmement, le projet de loi organique ouvre le champ du système universel à des catégories de personnes dont l'affiliation relève de la loi organique, notamment les parlementaires, les membres du Conseil constitutionnel et les magistrats. Tel est l'objet des articles 3, 4 et 5 du projet de loi organique.

Le projet de loi ordinaire, quant à lui, comporte 65 articles. Il est organisé en cinq titres. Le titre Ier précise les grands principes du nouveau système ; c'est ce titre qui construit l'universalité et qui rappelle que le système universel reste un système par répartition. Il détaille son architecture juridique et précise les principaux paramètres en matière de cotisations et d'acquisition et de calcul des droits. Il prévoit la création d'un âge d'équilibre, destiné, comme je vous le disais, à inciter les Français, sans les y contraindre, à travailler un peu plus longtemps, tout en maintenant un haut niveau de pension. C'est également dans ce titre que se trouve l'engagement de revalorisation que nous avons pris envers les enseignants et les enseignants-chercheurs – engagement que je réaffirme ce soir.

Le titre II traite des modalités de départ en retraite. Il fixe à 62 ans l'âge d'ouverture des droits. C'est là que nous retrouvons les questions d'âge, de retraite progressive, de cumul emploi-retraite, de pénibilité et de départ anticipé. Il prévoit aussi les conditions d'ouverture des droits, notamment l'harmonisation des dispositifs de départ anticipé, ainsi que les modalités de transition entre l'activité et la retraite. À cet effet, il garantit la prise en compte des situations spécifiques au regard de l'âge de départ. Ainsi, comme je le rappelais, le dispositif de carrières longues, avec un départ en retraite dès 60 ans, sera maintenu, tout comme le départ anticipé entre 55 et 59 ans – selon les cas – en cas de handicap, et le départ anticipé au taux plein à l'âge légal en cas d'inaptitude.

Le titre III prévoit quant à lui les mesures de solidarité renforcée du système universel de retraite. Il est ainsi prévu, comme vous le savez, d'instaurer un minimum de retraite à 85 % du SMIC net pour une carrière complète, à travers les articles 40 et 41. Il est également prévu la prise en compte des interruptions subies de carrière. Ainsi, les périodes de congé de maternité, de maladie, d'invalidité et de chômage permettront d'acquérir des points qui auront la même valeur que les points travaillés. On trouve également dans le titre III la question des aidants, celle des droits familiaux et de la réversion. Les droits familiaux et la réversion sont, d'ailleurs, profondément modifiés par le texte. S'agissant des enfants, le projet recentre le dispositif sur les préjudices de carrière et organise une meilleure répartition des droits envers toutes les familles. La réversion est remaniée et devient une garantie de niveau de vie pour le conjoint survivant à partir de 55 ans et sans condition de ressources.

J'en viens au titre IV, qui organise la gouvernance du système universel. Il décrit l'architecture organisationnelle et financière du nouveau système et son pilotage, qu'assurera la Caisse nationale de retraite universelle (CNRU), qui sera mise en place dès le mois de décembre. S'y retrouve donc fort logiquement tout ce qui concerne la création de cet établissement public, la gouvernance des différentes professions, l'intégration financière, tout comme la question importante des réserves. C'est le titre IV qui matérialise de profonds changements apportés dans la répartition des pouvoirs de décision, lesquels, dans un cadre défini par le Parlement et le Gouvernement, associeront pleinement les partenaires sociaux. C'est également dans ce titre que se matérialise la possibilité pour les différentes professions de conserver leurs réserves.

J'en termine avec le titre V, qui comporte les dispositions finales et prévoit les modalités d'entrée en vigueur et de transition vers le système universel. Celui-ci garantira à 100 % l'ensemble des droits constitués dans les différents régimes avant son entrée en vigueur. Les modalités précises de calcul de ces droits seront, vous le savez, définies par voie d'ordonnance. L'affiliation aux différents régimes est définitivement supprimée pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1975, qui seront alors affiliés au système universel.

Voilà, mesdames et messieurs les députés, ce que je pouvais vous dire en introduction de cette première audition devant votre commission spéciale. Je me tiens maintenant prêt à écouter vos interventions et à répondre à l'ensemble de vos questions.

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