Le groupe Libertés et Territoires, comme nombre de collègues sur de nombreux bancs, est favorable à une réforme du système de retraite tant les insuffisances dont il souffre sont réelles pour les personnes dont les carrières sont hachées, les femmes, les accidentés de la vie... Nous appelons également de nos voeux l'extinction des régimes spéciaux, de même que l'instauration de cette retraite par points que je défends depuis longtemps, notamment avec mon ami Charles de Courson.
Nous sommes donc favorables à une réforme, il n'en reste pas moins qu'il existe un « déficit de confiance », pour reprendre les mots de Patrick Mignola. Les générations qui arrivent se demandent en effet ce qui va se passer.
Je vous ferai donc part de mon désarroi car si – le secrétaire d'État le sait – je suis résolument favorable à une transformation en profondeur de notre système de retraite, il n'est pas de bonne politique de frustrer le Parlement : deux ans de consultations et nous devons régler les choses en six semaines avec, à la clef, vingt-neuf ordonnances. Lors des questions au Gouvernement, j'ai donc demandé encore une fois cet après-midi au Premier ministre – comme d'autres, dont Paul Christophe – si oui ou non les parlementaires que nous sommes peuvent au moins formuler un avis sur ces vingt-neuf ordonnances. Les groupes politiques ici présents le peuvent ! La réforme n'en serait que plus crédible car elle ne peut pas se faire en opposant les uns aux autres : les expériences des vingt dernières années montrent en effet que beaucoup ont changé de discours. Ce n'est pas médire des différentes réformes, courageuses, qui ont été conduites – notamment avec Éric Woerth – que de constater combien certains se sont largement lavé les mains des paramètres qu'ils avaient fixés.
Si nous voulons avancer et marquer une étape constructive, monsieur le secrétaire d'État, il convient en premier lieu que le Parlement joue pleinement son rôle dans la gouvernance. Il ne suffit pas de fixer une clause de revoyure à cinq ans et de dire que l'on verra alors comment les choses se passent ! Olivier Véran en est lui-même convenu : nous avons un rendez-vous chaque année avec le PLFSS, eh bien, allons-y ! Faisons en sorte que la gouvernance confie plus de responsabilités aux partenaires sociaux et que le Parlement puisse dire son mot ! En tant que représentant du peuple, il pourra s'il le faut corriger le tir. Cela, monsieur le secrétaire d'État, constitue un premier point majeur.
Deuxième point majeur : le financement. Patrick Mignola s'est demandé si oui ou non les réserves seraient touchées : quid des 60 milliards d'euros de l'AGIRC-ARRCO, du Fonds de réserve pour les retraites, des 6 milliards collectés par des professions libérales ? Il faut dire les choses ! Le simulateur sera-t-il accessible à tous ? Avant, après 1985... les nouveaux entrants... Tout doit être dit ! Si tel est le cas, vous lèverez les interrogations, sinon, le doute s'installera. Je me permets d'insister sur ce point car si la gouvernance est assurée mais que la lisibilité et la crédibilité du système sont en cause... Il est en effet toujours possible de raconter tout ce qu'on veut, que les discussions peuvent être très techniques mais, au bout du compte, chacun se demandera quel sera le chiffre inscrit en bas à droite de son bulletin de pension.
Troisième point majeur, vous le savez bien, monsieur le secrétaire d'État : la pénibilité. Il n'est pas simplement question de corriger telle ou telle anomalie faisant qu'il n'est plus possible de travailler à 58 ou à 59 ans. Il faut traiter les problèmes en amont, il faut reconnaître que certains métiers méritent une meilleure valorisation des points : on a parlé des aidants, je songe aussi bien sûr aux soignants, aux professionnels du bâtiment et des travaux publics. Bref, il faut répondre globalement.
Vous nous accorderez qu'il y eut de quoi douter lorsque nous avons vu la variabilité des situations : un jour les aiguilleurs du ciel, le lendemain, les personnels navigants, quelques jours avant, ceux de la Comédie-Française... On a envie de dire : « Ne bougez pas, on ne change rien, tout va bien, tout continue ! » Comment voulez-vous que d'autres bénéficiaires de régimes spéciaux comprennent ce message ?
Nous souhaitons que l'on puisse apporter tous les éclairages nécessaires à la résolution de ces questions, monsieur le secrétaire d'État, au cours d'un débat apaisé. Vous vous devez d'apporter à la représentation nationale les éléments que le Conseil d'État vous a enjoint de fournir s'agissant des conséquences financières de la réforme. Dire cela, c'est se diriger vers la construction d'un nouveau système universel par points en permettant, j'en suis persuadé, de corriger un certain nombre d'anomalies.
Un dernier point concernant la retraite progressive des seniors que deux collègues, notamment Jacques Maire, ont bien fait d'évoquer. Pour en bénéficier, l'âge passe de 60 à 62 ans ; de plus, dans notre pays, le taux d'employabilité des « seniors » est faible par rapport à nos voisins alors que c'est le moment propice à la transmission – j'ai d'ailleurs apprécié les propos de Mme Firmin Le Bodo concernant la baisse possible des cotisations. Il y a là un angle particulier, monsieur le secrétaire d'État, un message à faire passer à tous ces seniors qui ont envie de transmettre leur savoir-faire. Encourageons-les et ne créons pas de nouveaux obstacles !
Nous attendons donc des réponses à ces questions-là.