Monsieur le secrétaire d'État, je veux profiter de votre présence et vous aider à sortir de votre embarras. Vous avez du mal à répondre à la question posée portant sur l'exemple de jumeaux ; je vous propose d'y répondre en prenant l'exemple de jumelles – même si, qu'il s'agisse de garçons ou de filles, le raisonnement est le même. Ces deux jumelles ont été séparées de leurs parents à la naissance. L'une d'entre elles vit dans le luxe, le calme et la volupté, ses parents d'adoption ont les moyens de l'élever et de la nourrir, et de financer ses études ; elle accomplit pendant quarante-trois ans une carrière de cadre supérieur chez Rothschild. L'autre jumelle a moins de chance : elle vit au fin fond de la vallée de la Bresle, et les revenus de ses parents ne lui permettent pas d'être logée convenablement – je le précise car l'espérance de vie en bonne santé n'est pas seulement liée au métier exercé, mais aussi aux conditions de vie endurées dès la naissance ; elle effectuera une carrière hachée, faite de petits boulots précaires mais, parce qu'elle est courageuse, elle aura elle aussi, malgré tout, travaillé quarante-trois ans. Est-ce qu'avec le mauvais projet que vous proposez, ces deux jumelles, qui auront été traitées de manière universelle, bénéficieront équitablement des mêmes droits à la retraite, sans décote et sans surcote ? La question est simple, monsieur le secrétaire d'État, et il vaut mieux y répondre maintenant plutôt qu'attendre la fin de nos débats.