J'ai conduit mes travaux conjointement avec notre collègue Sereine Mauborgne : je tiens à saluer son investissement, ainsi que celui de nos collaborateurs, dans un vrai travail d'équipe, qui nous a conduits à mener huit auditions et quatre déplacements. Nous avons porté des regards très complémentaires sur tous les sujets opérationnels, financiers, technologiques et, surtout, humains.
Si les succès militaires français sont ceux de l'ensemble des forces, l'armée de terre – armée au contact – concentre l'essentiel des pertes au combat pour la conquête et la protection des territoires dans le temps long. C'est pourquoi, dans un contexte de durcissement des conflits où la menace s'hybride et où le succès stratégique dépend plus de la maîtrise du terrain, le budget de l'armée de terre mérite une attention particulière, notamment quant à la protection que nous pouvons apporter à nos soldats.
Pour l'armée de terre, le budget 2018 est un bon budget. Dotés d'1,3 milliard d'euros, les crédits du budget opérationnel de programme consacré à l'armée de terre (BOP « Terre »), c'est-à-dire les fonds directement gérés par le chef d'état-major de l'armée de terre, augmentent de 6,8 %. Dans leur ensemble, les dépenses en faveur de l'armée de terre croissent de 5,4 %, pour atteindre 8,5 milliards. Ces montants sont parfaitement conformes à la programmation revue à la hausse après les attaques terroristes de 2015. Le budget 2018 permettra de conforter la remontée en puissance de l'armée de terre, mais il marque aussi un tournant.
En effet, la première étape de cette remontée en puissance portait avant tout sur les effectifs, avec pour mesure emblématique le passage de la force opérationnelle terrestre (FOT) de 66 000 à 77 000 hommes. La deuxième étape de cette remontée en puissance s'ouvre aujourd'hui sous le signe de la consolidation. Cela passe par un effort d'entraînement, c'est-à-dire de préparation opérationnelle. Le PLF 2018 finance un entraînement accru, par exemple pour les pilotes d'hélicoptères. Il permettra aussi un effort significatif d'entretien programmé du matériel, dont les crédits augmentent de près de 14 %. Enfin, il améliorera les capacités de nos troupes en les dotant de nouveaux matériels individuels performants – fusils d'assaut HK416 et gilets pare-balles de dernière génération de type SMB (structure modulaire balistique).
Certes, il reste des sujets de préoccupation comme l'état des infrastructures, le faible stock ou l'obsolescence de certains armements. Notre rapport en dresse un inventaire et la prochaine LPM devra y répondre.
Au-delà de l'étude des crédits, nous nous sommes particulièrement attachés, dans la perspective de la prochaine LPM, au programme Scorpion, qui vise à renouveler le parc de blindés légers datant des années 1970 ou 1980 : véhicule de l'avant blindé (VAB), AMX10RC, ERC90 Sagaie (Engin à roue canon de 90 millimètres). Le troisième régiment d'infanterie de marine (RIMa) de Vannes nous a ainsi fait la démonstration des différents modèles de VAB avec des patchs ajoutés année après année. Les patchs sont nécessaires mais alourdissent le matériel, ce qui nuit à sa mobilité, use prématurément certains équipements et complique sa maintenance. Le VAB a rendu d'énormes services à nos forces mais un saut générationnel est désormais nécessaire.
Scorpion vise aussi, c'est sa grande plus-value, à mettre tous ces véhicules en réseau, en situation de combat collaboratif. Car, au-delà de la puissance et du blindage, le grand enjeu tactique de demain est de diminuer le délai entre la détection des menaces et l'engagement du feu.
Ce programme a déjà été repoussé pour des économies de court terme. Résultat : l'armée de terre opère avec des véhicules vieillissants, difficiles à maintenir et de moins en moins fiables. Surtout, les hommes sont moins protégés qu'ils devraient l'être.
Dès lors, il y a deux options : continuer à rénover les VAB, en attendant la montée en puissance progressive de Scorpion, avec ce que cela implique comme lacunes capacitaires et comme coût d'entretien, ou accélérer les livraisons du programme Scorpion. Du point de vue opérationnel, la seconde option est fortement souhaitable voire incontournable. Cette accélération est en outre possible du point de vue industriel. Et même du point de vue financier, l'accélération n'est guère plus coûteuse que la rénovation : 1,5 million pour l'achat d'un Griffon neuf contre 1,4 million pour moderniser un ancien VAB au standard Ultima.
De manière plus générale, la hausse des crédits de la défense offre une chance unique de privilégier enfin une approche de long terme des investissements à des opérations palliatives, in fine souvent plus coûteuses. Aussi, notre rapport consacre une trentaine de pages à démontrer que l'accélération de Scorpion est souhaitable.
J'émets un avis favorable à l'adoption de ce budget, qui poursuit la remontée en puissance de l'armée de terre et offre une base solide à la prochaine LPM.