La Revue stratégique d'octobre 2017 a permis une analyse réaliste et exhaustive de la situation internationale. La France est actuellement plus menacée, plus exposée dans un environnement stratégique incertain et instable. Dans un monde multipolaire, en mutation, nos forces sont engagées dans des crises sans cesse plus dures face à des adversaires toujours mieux armés.
La revue a clairement défini les axes majeurs que notre pays doit suivre et qui justifient la nécessaire remontée en puissance de nos armées : consolider notre autonomie stratégique ; conserver un modèle d'armée complet et équilibré dans la durée ; porter une ambition européenne forte ; entretenir et faire prospérer notre industrie de défense.
Dans ce contexte, la marine nationale doit faire face à des enjeux stratégiques spécifiques. La mondialisation de nos intérêts nationaux est sans précédent. L'économie mondiale est devenue totalement dépendante des espaces maritimes qui représentent 90 % des échanges commerciaux et 95 % des communications intercontinentales.
Si la France partage 4 082 kilomètres de frontières terrestres, ses frontières maritimes peuvent être estimées à plus de 19 000 kilomètres, dont seulement 5 800 kilomètres de côtes métropolitaines. La souveraineté de la France s'étend sur une zone économique exclusive (ZEE) de 11 millions de kilomètres carrés. Cet espace maritime, le deuxième au monde, attise les convoitises en raison de ses ressources halieutiques et de son potentiel en ressources minérales et en hydrocarbures.
Les zones maritimes sensibles se multiplient : détroit d'Ormuz, détroit de Bab el-Mandeb, golfe de Guinée, canal du Mozambique, mer de Chine, Nouvelle-Calédonie, océan Pacifique. Nous devons faire face à des menaces multipolaires et de toutes natures : pêches illégales et destructrices, trafics de drogue, déni d'accès, terrorisme.
Or, pendant les quinze dernières années, nous avons connu une baisse régulière des moyens – en effectifs, équipements et maintenance – consacrés aux missions de la marine. Un constat lucide peut être dressé. L'ensemble des bâtiments et des effectifs sont en suractivité, bien au-delà du contrat opérationnel qui leur avait été fixé. La vétusté inquiétante de nombreux navires – en âge et en état d'usure – met en danger les équipages, menace les missions et augmente les coûts de maintenance.
Des insuffisances capacitaires fragilisent nos opérations, menaçant la sécurité et la protection, et limitent les possibilités d'interventions stratégiques. Notre ZEE et nos départements et collectivités d'outre-mer (DOM-COM) souffrent d'un déficit de présence et de protection préoccupant. L'arrêt technique majeur du porte-avions Charles de Gaulle, indisponible pendant près de deux ans, limite notre capacité stratégique et, surtout, diplomatique. L'opérabilité doit être améliorée, la présence des bâtiments en mer n'étant que de 110 jours en moyenne.
Nous conservons également des modes de gestion budgétaire annualisés, des modes de contractualisation contraignant pour nos industries – souvent un contrat unique au forfait – qui ne distinguent pas la production de prototype ou en série. Ces pratiques sont souvent dangereuses pour nos entreprises. Elles augmentent les coûts de structure et les risques, fragilisant ainsi leur capacité d'investissement et d'innovation ; elles les placent en position extrêmement difficile dans la concurrence internationale.
Malgré ce contexte de réduction des effectifs, de vieillissement des matériels et de limitation de moyens d'intervention, la marine nationale a su tenir son rang, en assurant un engagement total au service des missions qui lui ont été confiées. Ses participations à de nombreuses missions internationales ont été unanimement saluées. Ses interventions quotidiennes pour la protection de notre territoire et de nos citoyens méritent l'admiration de tous.
Dans le projet de loi de finance pour 2018, le budget de la marine est emblématique et charnière. Pour les programmes 146, 178 et 212, il s'inscrit dans la continuité des exercices précédents, dans la trajectoire de la LPM 2014-2019 et de son actualisation de 2015. Cela explique les principaux programmes de commande et de livraisons de matériels pour 2018 : hélicoptères, avions Rafale, frégates, missiles, patrouilleurs, sous-marins. Il est surtout le premier budget d'une forte régénération et d'une forte remontée en puissance de nos armées.
Cet effort se traduit essentiellement par une augmentation significative des crédits destinés MCO : 512 millions d'euros en autorisations d'engagement et 237 millions en crédits de paiement.
Le budget 2018 amorce la nécessaire remontée en puissance recommandée par la Revue stratégique de défense et de sécurité nationale et qui devra trouver toute sa plénitude dans la LPM 2019-2024.