J'ai conduit ces travaux en étroite liaison avec mes collègues Guillaume Gouffier-Cha et Christophe Lejeune, que je tiens à remercier de leur précieux appui et de leur contribution à nos réflexions collectives.
Quel que soit le périmètre budgétaire considéré, les crédits de l'armement inscrits au PLF pour 2018 sont en hausse, ce dont je me réjouis. J'ai étudié particulièrement le programme 146, intitulé « Équipement des forces » dans la nomenclature de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) ; et l'agrégat « Équipement » au sens de la LPM. Le premier progresse de 34,7 % en autorisations d'engagement, ce qui permettra de passer d'ambitieuses commandes en 2018. Mieux, les crédits de l'agrégat « Équipement » dépassent de 800 millions les prévisions de la LPM. Les décisions du conseil de défense du 6 avril 2016 seront dûment financées. Les décalages de programmes liés aux mouvements réglementaires de crédits de 2017 – sur lesquels il n'est plus utile de revenir – seront rattrapés.
Je ne ferai pas ici un inventaire exhaustif, donc fastidieux, des commandes et livraisons financées en 2018 ; vous le retrouverez dans le rapport. Retenons que nos forces recevront un satellite Musis, c'est-à-dire un système multinational d'imagerie spatiale pour la surveillance, la reconnaissance et l'observation, deux transporteurs Airbus A400M, huit hélicoptères Caïman, cinq hélicoptères Tigre, 8 000 fusils d'assaut HK 416F, trois avions de combat Rafale et les trois premiers véhicules blindés Griffon.
Le PLF 2018 marque ainsi le début de notre effort de réarmement, que la prochaine LPM conduira à 2 % du PIB en 2025. L'effort est important. Encore faut-il qu'il soit concret, palpable.
Pour cela, deux conditions doivent être remplies.
Première condition : l'effort de réarmement gagnera en cohérence et en visibilité s'il ne se concentre pas sur les grands programmes d'équipement, mais s'il bénéficie aussi aux autres opérations d'armement (AOA). Il y va de la cohérence capacitaire de nos forces. À quoi bon des véhicules high tech si l'on n'a plus de matériels pour franchir les rivières ? Il y va aussi du moral des soldats : les petits programmes sont les plus rapides et les moins coûteux ; ils rendent ainsi l'effort de réarmement rapidement visible. Un gilet pare-balles moderne, ou un pistolet de calibre 9 millimètres qui ne date pas des années 1950, voilà du concret.
Deuxième condition : l'effort de réarmement ne doit pas être sapé par un dérapage du report de charges, ou par des mises en réserves, gels et autres surgels qui ne soient pas levés. Sous ces deux conditions, le PLF pour 2018 pourra offrir un socle solide à la LPM.
Éviter de saper l'effort par des effets de base négatifs est d'autant plus important, que ces 2 % sont loin de représenter une manne inépuisable. Or les besoins sont grands. Pendant de nombreuses années, on a remis à plus tard le financement d'équipements nécessaires, mais la procrastination a ses limites. Nombre de nos armements sont à bout de souffle, et, pour accélérer leur renouvellement, Mme la ministre a évoqué devant la commission de la défense des « financements innovants ».
J'ai donc choisi de consacrer la partie thématique de mon rapport à étudier ce que pourraient être ces financements innovants. Chacun a en mémoire l'épisode de 2015, où le ministère en est venu à imaginer créer des fonds communs de créances (FCC), également connus sous le nom de special purpose vehicles (SPV), auxquels revendre des frégates multi-missions (Fremm) et des Airbus A400M pour les leur louer dans la foulée…
Un déplacement à Londres nous a permis d'analyser, le retour d'expérience de notre allié le plus engagé dans ces financements innovants. Pour faire bref, il en ressort que même les Britanniques en reviennent.
La logique même d'un partenariat public-privé (PPP) nous semble inadaptée pour les armements et autres équipements opérationnels. Tous les équipements pour lesquels les besoins des armées peuvent changer dans les vingt ou vingt-cinq ans à venir sont également à exclure du champ des financements innovants car un PPP est toujours plus rigide qu'une acquisition classique.
En revanche, dans l'environnement et le soutien des forces, notamment pour le MCO, des financements innovants peuvent être pertinents et efficients lorsqu'ils permettent de rénover l'organisation d'un service et de trouver des revenus tiers, comme à l'École de l'aviation légère de l'armée de terre (EALAT) à Dax. Mais rien, en tout cas, ne plaide en faveur d'un retour aux pis-aller des cavaliers de 2015.
Voilà les grandes lignes de ce budget auquel je donne un avis favorable.