Vous m'avez interrogée sur la fin de gestion de 2017 et les reports de charges. La gestion de 2017 est pour l'instant suspendue à deux interrogations : la manière dont les crédits complémentaires nécessaires au financement des OPEX seront financés et les dégels des crédits d'équipement.
Après les opérations d'annulations de crédits et les réouvertures opérées concomitamment à l'été 2017, nous disposons d'une provision d'1,1 milliard d'euros pour financer les surcoûts des OPEX. Ces dernières coûteront très probablement près de 1,5 milliard d'euros en 2017. Nous sommes raisonnablement confiants quant au fait que ces crédits seront apportés par la solidarité interministérielle et ne mettront pas à contribution le budget des armées. Je suis prudente car le projet de loi de finances rectificative (PLFR) n'a pas encore été présenté au conseil des ministres, mais j'espère ne pas être démentie.
Sept cent millions de crédits d'équipement demeurent gelés. J'en demande évidemment le dégel rapide à Bercy. J'espère pouvoir vous informer lors d'un prochain échange avec la commission de la défense.
Comment les surcoûts liés aux OPEX pourront-ils être financés en 2018 ? Compte tenu de l'augmentation du montant de la provision – 650 millions d'euros au lieu de 450 millions –, j'espère que nous pourrons continuer à compter sur un complément de financements interministériels dont le montant devra être précisé.
Deux intervenants se sont inquiétés de l'article 14 de la loi de programmation des finances publiques et des restes à payer. Cet article vise à assurer, au niveau de l'État, que l'écart entre les engagements et les paiements restera le même qu'à la fin de 2017. L'appliquer au seul ministère des armées serait un frein majeur à la modernisation des équipements. Je serai donc extrêmement attentive à ce que ce ne soit pas le cas, afin de préserver la capacité d'engagement de notre ministère dont les programmes d'équipement s'étalent sur un grand nombre d'années.
Qu'en est-il de l'évolution des effectifs après 2022 ? Dans de nombreux domaines, la ressource humaine est la richesse principale de ce ministère, qu'il s'agisse du renseignement, de la cyberdéfense ou des unités opérationnelles. Le ministère des armées a été soumis à très forte contribution en termes de réduction d'effectifs puisque 60 000 emplois ont été supprimés au cours des dix dernières années – je mets 2017 de côté. Cette tendance s'inverse depuis deux ans et 1 500 emplois devraient être créés durant le quinquennat. Je pense qu'il serait nécessaire que cette tendance se maintienne, voire s'accentue, au-delà de 2022. Nous aurons l'occasion d'en discuter lors de la préparation de la LPM.
En ce qui concerne les conditions de vie des militaires et de leurs familles, j'ai indiqué cette semaine que je souhaitais m'engager dans une démarche pluriannuelle mobilisant, au cours des cinq prochaines années, une enveloppe de 300 millions d'euros qui sera l'un des éléments substantiels de la LPM.
Vous m'avez aussi interrogée sur le programme spécifique destiné au spatial, en particulier sur le risque « d'arsenalisation » de l'espace et la manière dont la France pouvait faire évoluer sa position. La Revue stratégiquemet en exergue la compétition qui règne désormais dans l'espace exo-atmosphérique, opposant des acteurs étatiques ou privés, car son accès est de plus en plus facile, que ce soit pour des raisons technologiques ou financières.
Conformément au droit international, la France s'est toujours opposée à la militarisation de l'espace, même si certaines technologies devraient y conduire à l'avenir. Conscients des enjeux et des menaces d'une telle évolution, nous nous sommes focalisés sur trois axes : renforcer la législation internationale, améliorer la protection de nos futurs satellites, surveiller l'espace en modernisant nos systèmes de surveillance d'orbite basse – nous en sommes à la cinquième étape du système de commandement et de conduite des opérations aérospatiales (SCCOA5) – et en développant des capacités de surveillance de l'ensemble des orbites. La surveillance de l'espace pourrait être utilement menée avec nos alliés européens, voire avec d'autres partenaires.
S'agissant des perspectives de relance du programme d'alerte avancée, la Revue stratégique a rappelé l'intérêt de disposer d'une telle capacité d'alerte en distinguant trois objectifs : mieux caractériser la menace balistique, déterminer l'origine d'un tir, évaluer la zone ciblée. Une capacité d'alerte avancée requiert deux composantes : des satellites dans l'espace et des radars au sol. La France a déjà développé des démonstrateurs pour chacune de ces deux composantes. Lancé en 2009, le système préparatoire infrarouge pour l'alerte, dit Spirale, est désormais achevé et il a permis de poser les premiers jalons en matière de satellites. Le radar très longue portée, qui a été livré en 2016, est actuellement en phase d'essais à Hourtin ; il devrait compléter notre dispositif. La prochaine LPM devra évaluer les moyens qui pourraient être consentis à l'alerte avancée, domaine dans lequel nous espérons aussi pouvoir travailler avec nos partenaires européens.
Monsieur de Ganay, je crois avoir répondu à votre question sur le financement du surcoût des OPEX.
L'article 4 de la LPM est toujours en vigueur, en effet, et j'espère que nous pourrons le prolonger dans le prochain texte.
La politique de reconversion et de fidélisation des personnels, notamment des militaires du rang, est un sujet de préoccupation majeur pour le ministère des armées. Nous n'avons pas de mal à recruter environ 25 000 personnes tous les ans. Sans mettre en péril un modèle d'armée jeune, nous cherchons à conserver le plus longtemps possible les militaires que nous avons recrutés et formés.
Vous me dites que le dispositif de reconversion du ministère des armées est inégalement efficace. Au 31 décembre 2016, 70 % des militaires inscrits à l'agence Défense mobilité ont accédé à un emploi en moins d'un an. Ce bon taux atteste d'une certaine efficacité, même si une analyse plus poussée montre que certains domaines restent à améliorer : je veillerai à ce qu'ils le soient.
Notre dispositif de suivi individuel pour la reconversion des blessés, en particulier psychiques, n'est pas toujours bien connu. Je m'engage à ce que nous progressions. Nous devons aussi faciliter la reconversion professionnelle des blessés. Nous avons pris l'initiative de rédiger avec le MEDEF un guide pour sensibiliser les entreprises et leur montrer l'intérêt de recourir aux services de militaires blessés.
Vous avez résumé la philosophie du programme Scorpion, : il ne s'agit pas seulement de remplacer des matériels usés par des équipements comparables mais neufs, mais aussi de faire en sorte que les différents véhicules puissent communiquer entre eux en temps réel. Faut-il rénover les matériels existants en attendant le programme Scorpion ? Nous réfléchissons, au contraire, à une accélération de ce programme ?
Nous devrions obtenir la livraison de Griffon, des véhicules blindés multi-rôles (VBMR) destinés à remplacer les VAB. Nous passerons des commandes de Jaguar, l'engin blindé de reconnaissance et de combat (EBRC) qui va remplacer le Sagaie. D'autres véhicules – chars Leclerc rénovés et VBMR légers – seront livrés entre 2017 et 2019.
Ceci ne préjuge pas d'une éventuelle accélération du programme Scorpion. Les industriels peuvent accroître la production des Griffon et des Jaguar. En réalité, il s'agit moins d'un problème industriel que d'un problème d'arbitrages à l'intérieur au sein du budget du ministère des armées. Nous devrons mettre ces choix en perspective dans le cadre de la prochaine LPM.
S'agissant de la marine nationale, vous avez mentionné la suractivité des bâtiments, leur vétusté ainsi que l'indisponibilité de certains bâtiments, en particulier du porte-avions Charles de Gaulle. Revenons sur chacun des segments de la marine. Notre format consiste à obtenir au cours des prochaines années quinze frégates de premier rang, huit Fremm, deux frégates de défense aérienne Horizon et des frégates La Fayette, ces dernières étant d'ailleurs progressivement remplacées par des navires de taille intermédiaire construits à Lorient.
La capacité des patrouilleurs – en outre-mer et en métropole – est particulièrement fragile. Pour limiter sa dégradation, les patrouilleurs anciens seront prolongés en complément des patrouilleurs légers guyanais (PLG). J'ai commandé un troisième PLG après le passage de l'ouragan Irma, afin de soulager les Antilles, ainsi que quatre bâtiments multi-missions. Le programme bâtiment de surveillance et d'intervention maritime, dit Batsimar, viendra renouveler cette composante à partir de 2024.
Le Charles de Gaulle, unique porte-avions de la marine française, est actuellement indisponible pour les OPEX en cours. Dans ce genre de situation, le groupe aéronaval est projeté. S'il n'est pas tout à fait comparable à un porte-avions, il assure néanmoins une présence en mer significative et appréciée par nos alliés. Malgré l'absence du porte-avions, l'activité des bâtiments reste, en effet, à un niveau élevé. Vous avez cité le chiffre de 110 jours d'engagement en mer pour les frégates. En 2018, nous en serons à 108 jours d'engagement en mer, c'est-à-dire à un niveau inférieur mais proche de la norme de 110 jours. Quant à l'engagement des pilotes de l'aéronavale, il se situe dans les normes fixées, il n'y a pas d'inquiétude à avoir sur ce point.
Vous souhaitez que la remontée en puissance du budget de la marine se poursuive. Les prochains débats sur la LPM seront l'occasion d'en reparler.
Y aura-t-il une accélération du programme MRTT pour l'armée de l'air ? Si je ne peux pas encore vous apporter une réponse définitive, je peux vous dire qu'il nous a été demandé de travailler sur cette option. J'espère que nous aboutirons.
Le Rafale est équipé d'un armement à guidage dual – GPS et laser – de la bombe GBU49. L'une des versions de l'A2SM dispose d'un guidage de même nature. Comme ces deux armements sont similaires et que les Mirage 2000D sont équipés de la bombe GBU49, il n'est donc pas envisagé d'intégrer l'A2SM aux Mirage 2000D lors de leur rénovation.
Les Rafales sont d'ores et déjà équipés de l'A2SM. Il n'est donc pas nécessaire de les adapter aux tirs de GBU-49, d'autant que les améliorations en cours de l'A2SM devraient entraîner une réduction de leurs coûts unitaires.
Les armées disposent actuellement de 50 unités de différentes générations de pods (nacelles) de désignation laser. La modernisation est en cours puisque, dès la fin de l'année, avec la livraison des premiers pods de nouvelle génération Talios, nous aurons franchi un premier pas. Les nacelles Damocles qui équipent actuellement nos forces permettent d'ores et déjà à nos avions de mener des frappes air-sol sans difficulté majeure. Le retour d'expérience montre que les pods d'anciennes générations ont des performances limitées et ne sont donc plus adaptés aux exigences des théâtres d'opérations modernes. Il faut donc attendre la montée en puissance de l'équipement de nos avions par des nacelles Talios pour bénéficier d'un vrai saut générationnel : 35 ont été commandées, dont 10 sont inscrites dans le PLF 2018.
En ce qui concerne l'usure des matériels de l'armée de l'air, l'aviation de chasse réalise 28 % de son activité en opérations, et les avions tournent afin de ménager un vieillissement homogène des flottes. Cela étant, nous avons un vrai problème de disponibilité des avions – je ne parle pas de la disponibilité en opération, qui est très élevée, mais de la disponibilité moyenne. C'est la raison pour laquelle j'ai confié à M. Chabbert la mission de réaliser un état des lieux précis. Je regrette qu'il n'ait pas pu ou pas souhaité vous rencontrer – je le lui dirai. Son rapport n'a pas encore été rendu, mais ses conclusions seront évidemment intégrées dans la prochaine LPM.
Le niveau d'engagement des pilotes est très élevé et il a fallu faire des choix : nous avons privilégié l'engagement en opération. Ceci se fait au détriment de la formation, en particulier des plus jeunes pilotes, mais aussi de la régularité de l'entraînement. Ce projet de budget comporte les moyens nécessaires pour améliorer la situation, mais le retour à une situation idéale ne peut, bien sûr, se faire d'un seul coup.
Monsieur Larsonneur vous avez rappelé l'utilité des autres opérations d'armement (AOA), inscrites dans le programme 146, notamment parce qu'elles constituent la part la plus flexible de notre effort d'équipement. Elles en représentent 20 %, pour un montant qui reste stable.
L'état-major des armées travaille, à ma demande, à une réforme des processus d'acquisition afin de rendre ces programmes d'armement encore plus souples et flexibles. Cette réflexion porte également sur les programmes d'équipement majeurs.
Je serai très vigilante à ce que l'effort consacré aux AOA soit maintenu et à ce que nous parvenions à une articulation satisfaisante avec les programmes d'équipement majeurs, nous y reviendrons dans la prochaine LPM.
Monsieur Cornut-Gentile, je n'ai pas l'intention de réactiver le processus des sociétés de projet (SPV). J'entends orienter notre réflexion vers une acception plus large de la notion de financement innovant.
Le rapporteur de la commission des affaires étrangères a rappelé que 1,7 milliard d'euros par an représentaient une somme très importante mais pas nécessairement suffisante. J'admets que cette dernière question puisse être posée. Nul doute que nous aurons besoin de solutions ingénieuses pour faire face à des besoins croissants.
Je partage l'analyse de Jacques Marilossian sur l'importance des enjeux maritimes, comme je partage son constat que notre marine a souffert des arbitrages contraints des dernières années. Je l'ai dit, nous nous efforcerons de remédier aux insuffisances.
En ce qui concerne l'Europe de la défense nous devrions adopter d'ici la fin de l'année le règlement d'utilisation du Fonds européen de défense. Cette innovation majeure a pour vocation la prise en charge à hauteur de 20 % de programmes capacitaires. Nous devons toutefois être très attentifs à ce que les États continuent à être consultés, car ces fonds doivent bénéficier de façon équilibrée et efficace à notre propre base industrielle et technologique de défense. Nous travaillons aux critères d'éligibilité à ce fonds.
Le sommet franco-allemand du 13 juillet a donné une impulsion à de nouveaux champs de coopération dans les domaines aéronautique, spatial et numérique. Je ne partage donc pas l'idée que les intérêts de la France et de l'Allemagne s'aligneront difficilement. Certes, toute coopération doit prendre en compte un certain nombre de contraintes et de prérequis, mais l'Europe de la défense est une idée d'avenir dont la coopération industrielle constitue la base et quii ne peut être envisagée sans le moteur franco-allemand.