La clef de voûte de la stratégie de défense française réside dans sa force de dissuasion nucléaire. Cette dernière s'est traduite pour les Polynésiens par 193 essais nucléaires en trente ans : 46 essais aériens de 1966 à 1974, puis 147 essais souterrains de 1975 à 1996. Si 62 de ces essais souterrains ont été effectués sous le lagon, 78 ont eu lieu sous la fragile couronne corallienne des atolls de Moruroa et Fangataufa.
Aujourd'hui quinze kilos de plutonium et une grande quantité de déchets radioactifs restent enfouis dans le sous-sol de Morurua, encore dangereux pour cinq cent mille ans. En 1979 un bloc de plusieurs millions de mètres cubes s'est détaché de la falaise corallienne.
En 1980, 1987 et 1995, plusieurs rapports ont révélé des fissures sur plusieurs kilomètres, donc des risques de fuite de radioactivité. En 2006, l'ouvrage publié par le ministère de la défense, La Dimension radiologique des essais nucléaires français en Polynésie, constate qu'au moins 41 essais souterrains sur 147, soit un sur trois, ont produit des fuites radioactives. En 2011 enfin, le délégué à la sûreté nucléaire a lui-même mentionné un « glissement possible de 670 millions de mètres cube », susceptible de provoquer une vague de vingt mètres de haut.
Certes, a été lancé en 2015 le projet Telsite 2, programme de mise à jour des moyens de surveillance géomécanique de Morurua, qui sera opérationnel en 2018 pour vingt ans. Il permettra de savoir, avec quelques heures d'avance au mieux, le moment précis où Morurua s'effondrera. Mais, au delà de la simple prévision, y a-t-il aujourd'hui une réflexion ou, mieux, un programme ambitieux et responsable pour contrer ou anticiper ce désastre écologique et humain annoncé ? Rien dans ce budget ne permet de le penser.