Intervention de Agnès Buzyn

Réunion du vendredi 3 novembre 2017 à 15h00
Commission élargie : finances - affaires sociales

Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé :

Madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le vice-président de la commission des finances, mesdames les rapporteures, mesdames, messieurs les députés, j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui le budget de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » de la loi de finances pour l'année 2018 avec mes collègues Mme Sophie Cluzel et Mme Marlène Schiappa qui présenteront les orientations correspondant à leurs programmes budgétaires respectifs.

Ce budget est le reflet d'un parti pris et d'une priorité. Le parti pris, c'est celui de la sincérité budgétaire qui est le préalable indispensable à une action publique efficace et des choix politiques clairement assumés. La priorité, comme j'ai eu l'occasion de le dire la semaine dernière lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, c'est celle qui va à nos concitoyens les plus fragiles et qui exprime la solidarité nationale.

Les crédits de cette mission sont essentiellement consacrés au financement de dispositifs d'aide aux populations les plus défavorisées, les moyens de fonctionnement du ministère représentant moins de 8 % du budget total des crédits de la mission.

Le budget de la mission augmentera en 2018 de 1,5 milliard d'euros, soit une hausse de 8,7 % par rapport à 2017. Cet effort considérable est destiné pour l'essentiel aux bénéficiaires de la prime d'activité et de l'allocation aux adultes handicapés. Il s'ajoute à la revalorisation du minimum vieillesse prévue par le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) de 30 euros dès le 1er avril 2018, 35 euros au 1er janvier 2019 et 35 euros au 1er janvier 2020, soit au total 100 euros de plus chaque mois. Mme Cluzel reviendra sur la revalorisation très importante du montant de l'allocation aux adultes handicapés.

Pour ma part, j'évoquerai l'augmentation de la prime d'activité qui est, pour plus de 2,5 millions de foyers aux ressources modestes, un complément de revenus non négligeable puisqu'elle s'élève en moyenne à près de 160 euros par mois, alors que le montant moyen de ressources des foyers bénéficiaires est de l'ordre de 1 050 euros par mois. C'est aussi un dispositif important pour faire en sorte, comme il est dit parfois de façon raccourcie, que le travail paie.

Conformément aux engagements du Président de la République, la prime d'activité augmentera de 20 euros à partir du 1er octobre 2018. Cette hausse concernera la partie forfaitaire de la prime, de façon à rétablir une continuité logique du barème de cette prime avec le RSA.

L'augmentation réalisée en 2018 complétera une deuxième mesure favorable au pouvoir d'achat de ces foyers : la suppression des cotisations salariales chômage et maladie en contrepartie de la hausse de la CSG, qui se traduira par exemple pour une personne au SMIC par un gain de pouvoir d'achat de 263 euros par an lorsque la mesure sera pleinement montée en charge, et de 132 euros dès 2018. L'augmentation de la prime d'activité n'est que la première étape d'une hausse qui se poursuivra au cours des années suivantes pour porter la revalorisation de la prime d'activité à 80 euros au niveau du SMIC. En 2018, 5,1 milliards d'euros seront donc consacrés à la prime d'activité, ce qui représente une augmentation de 16 % par rapport à l'année 2017. Cette augmentation prend pleinement en compte l'évolution tendancielle de la prime et c'est là qu'intervient l'effort de sincérité puisque, comme l'avait noté la Cour des comptes, les crédits inscrits dans la loi de finances pour 2017 étaient insuffisants pour financer le dispositif. Elle prend en compte bien sûr également la revalorisation du montant forfaitaire pour un total de 240 millions d'euros en 2018.

La très forte progression de ces crédits s'accompagne de mesures destinées à modérer l'impact budgétaire, mais elles ne remettent pas en cause, je le dis clairement, l'économie globale de la prime et l'impact favorable des mesures adoptées pour les bénéficiaires.

Le parti pris de la sincérité conduit également le Gouvernement à proposer d'augmenter de façon très importante les crédits consacrés aux mineurs non accompagnés. Sur ce dossier sensible, les engagements du Président de la République et du Premier ministre sont très clairs : l'État doit faire plus et mieux pour accueillir les mineurs étrangers isolés et aider les départements dans cette mission. Le nombre de mineurs pris en charge par des conseils départementaux a augmenté de façon très importante, entraînant la saturation des dispositifs et un coût croissant pour les départements. Or, même si la protection de l'enfance est de la compétence des départements, l'État a une responsabilité forte au travers de sa double compétence de conduite de la politique migratoire d'une part, et de protection de l'enfance exercée par l'autorité judiciaire d'autre part.

La situation actuelle révèle aussi la nécessité d'une harmonisation nationale des conditions d'évaluation de la situation des demandeurs, compte tenu des disparités constatées entre départements. C'est pourquoi le Premier ministre a souhaité lancer le lundi 30 octobre dernier, conjointement avec le président de l'Association des départements de France, M. Dominique Bussereau, une mission d'expertise pour identifier des solutions opérationnelles permettant d'améliorer l'efficacité, la cohérence et la soutenabilité budgétaire de la phase d'évaluation et de mise à l'abri des mineurs non accompagnés. Dès 2018, l'engagement de l'État se traduira par un renforcement très important des moyens qui passent de 15 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2017 à 132 millions d'euros en 2018.

L'attention à la situation financière des départements se traduit également par la reconduction du financement du fonds d'appui aux politiques d'insertion (FAPI) doté, comme en 2017, de 50 millions d'euros. Ce fonds permet, comme vous le savez, de soutenir les départements dans les dépenses en direction des personnes les plus éloignées de l'emploi.

Nous avons commencé à échanger, dans le cadre de la Conférence nationale des territoires, sur le financement des allocations individuelles de solidarité, dont le revenu de solidarité active (RSA). Le Premier ministre a lancé, le 20 octobre dernier, une réflexion sur le pilotage et le financement de ces allocations. Ce sera l'occasion d'examiner, dans le cadre d'une réflexion plus générale, l'opportunité de maintenir le FAPI au-delà de 2018.

Un mot avant d'aborder les moyens du ministère sur les dispositifs de protection juridique des majeurs.

Dans un budget globalement en forte progression, les crédits consacrés au financement de ces dispositifs sont stabilisés en très légère baisse de 0,5 %. Nous programmons la révision, au 1er avril, du barème de participation, de façon à permettre le maintien d'un financement public qui repose quasi exclusivement depuis 2016 sur l'État et dont la Cour des comptes avait rappelé en 2016 la croissance très rapide au cours des dernières années – plus de 100 millions d'euros et près de 20 % d'augmentation entre 2010 et 2015.

La révision du barème se fait avec le souci de ne pas peser excessivement sur les plus défavorisés des bénéficiaires, notamment le tiers d'entre eux qui perçoit des ressources inférieures ou égales à l'allocation aux adultes handicapés et qui continuera à être exonéré de toute participation. Le barème définitif, qui sera fixé par décret, n'est pas arrêté. Nous avons déjà eu l'occasion d'échanger avec la rapporteure spéciale, Mme Dupont, et nous pouvons envisager des évolutions par rapport au projet initial.

Par ailleurs, nous continuerons d'oeuvrer pour le soutien des tuteurs familiaux qui assument cette tâche pour un coût public moindre. Ils ont besoin d'être formés et accompagnés. C'est pourquoi le ministère maintient son effort dans leur direction en 2018.

Je n'oublie pas enfin que le projet de budget que je défends devant la représentation nationale porte les supports budgétaires des hommes et des femmes qui travaillent dans le département ministériel dont j'ai la responsabilité, avec le programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative ». Ce sont 18 276 emplois de l'administration centrale, des services déconcentrés du ministère, comme les directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS) et des agences régionales de santé, ainsi que la masse salariale correspondante qui sont concernés.

Le projet de budget pour 2018 s'inscrit dans une perspective fixée par le Président de la République de réduction du nombre d'emplois publics, hors les départements ministériels prioritaires. Ce contexte exigeant va donc recueillir davantage d'efficience et un réexamen des missions et des process. Les travaux que nous mènerons dans les prochaines semaines dans le cadre du chantier gouvernemental Action publique 2022 nous aideront à identifier les évolutions nécessaires.

En conclusion, le budget que nous vous présentons est rigoureux dans son élaboration et sincère. C'est un budget qui fait des choix, comme le projet de loi de financement de la sécurité sociale, le choix du pouvoir d'achat pour les salariés dont les rémunérations sont les plus faibles et le choix de la solidarité nationale au bénéfice des plus fragiles.

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