Intervention de Jeanine Dubié

Réunion du mercredi 5 février 2020 à 10h05
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJeanine Dubié, rapporteure :

Je vous remercie de m'accueillir au sein de la commission des Lois pour vous présenter cette proposition de loi qui tend à revoir l'écriture de l'article 706-5 du code de procédure pénale.

En effet, sa rédaction actuelle est source d'un contentieux défavorable aux victimes et contraire à l'esprit de la loi du 15 juin 2000. Saisie par plusieurs avocats, j'ai examiné avec attention la portée de cet article en matière de droit d'indemnisation des victimes et de délais de forclusion.

Ainsi, la proposition de loi qui nous rassemble aujourd'hui vise tout simplement à clarifier une disposition de notre code de procédure pénale afin de la rendre plus intelligible, et ainsi à simplifier l'accès des victimes des infractions parmi les plus graves à l'indemnisation à laquelle elles ont droit.

L'indemnisation des victimes est prévue à l'article 706-3 du code de procédure pénale. Aujourd'hui, toute personne ayant subi un préjudice résultant d'une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne, dès lors que ces faits ont entraîné la mort, une incapacité permanente, une incapacité totale de travail égale ou supérieure à un mois ou qu'ils relèvent des infractions suivantes : viol et autres agressions sexuelles, réduction en esclavage et exploitation de personnes réduites en esclavage, traite des êtres humains, proxénétisme, travail forcé et réduction en servitude, atteintes sexuelles sur mineur.

Je précise que sont exclues de cet article les infractions liées à des régimes spécifiques. Je pense en particulier aux préjudices liés à l'amiante et aux actes de terrorisme.

L'indemnité est allouée par la commission d'indemnisation des victimes d'infraction (CIVI). Concrètement, les victimes saisissent la CIVI, qui transmet leur demande au FGTI qui est chargé de proposer un montant indemnitaire dans un délai de deux mois. La CIVI, en tant que juridiction, peut ensuite soit homologuer l'accord si la victime accepte l'offre du FGTI, soit fixer un montant d'indemnités si la victime rejette l'offre.

La demande d'indemnité doit être présentée dans le délai de trois ans à compter de la date de l'infraction. En cas de poursuites pénales, le délai est prorogé et expire un an après la décision de la juridiction ayant statué définitivement.

Une fois la victime indemnisée, le FGTI est subrogé dans les droits dont celle-ci disposait et peut se retourner contre l'auteur des faits afin de lui réclamer le remboursement des indemnités versées.

Le régime de la forclusion applicable à ce dispositif a été modifié par la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.

Il a ainsi été prévu d'instituer à l'article 706-15 du code de procédure pénale que la juridiction pénale statuant en matière de dommages et intérêts devrait aviser la victime de son droit de présenter une demande d'indemnité à la CIVI dans le délai d'un an.

En effet, à l'époque, les victimes apprenaient souvent subitement, et bien plus d'un an après le jugement, l'existence même des CIVI. Il s'agissait donc de pallier ce qui n'était pas une hypothèse d'école, c'est-à-dire un manque d'information.

En complément, le Parlement a voté une disposition conçue comme protectrice : la suppression du délai d'un an pour saisir la CIVI en l'absence d'avis donné par la juridiction. Toutefois, alors que l'on pouvait déduire des travaux préparatoires de la loi du 15 juin 2000 que le délai d'un an courait à partir de l'avis donné par la juridiction ayant statué définitivement, telle n'a pas été l'interprétation retenue, en toute rigueur juridique, par la Cour de cassation.

Selon cette interprétation, pour les victimes s'étant vu allouer des dommages-intérêts par une juridiction, le délai d'un an ne court pas à compter de la décision ayant statué définitivement comme pour les autres cas, mais à compter de l'avis donné par la première juridiction qui alloue des dommages-intérêts, même si la décision de cette juridiction n'est pas définitive.

Cette interprétation est juste juridiquement, mais, concrètement, elle désavantage les victimes s'étant vu allouer des dommages-intérêts qui ne peuvent attendre la fin de la procédure judiciaire qui les concerne pour saisir la CIVI.

J'ai donc travaillé avec les services du ministère de la justice, la Délégation interministérielle à l'aide aux victimes, le FGTI et des avocats, et je pense pouvoir vous présenter par l'amendement CL3 une proposition satisfaisante comprenant : la création d'un délai unique d'un an après la décision de la juridiction qui a statué définitivement sur l'action publique et sur l'action civile engagée devant la juridiction répressive pour présenter la demande d'indemnité ; la conservation de l'obligation qu'a la juridiction d'informer les victimes ayant reçu des dommages-intérêts de leur possibilité de saisir la CIVI ; la création d'un cas permettant de relever automatiquement la forclusion si cette information n'a pas été donnée par la juridiction.

Cette situation est plus simple que celle qui existe aujourd'hui. Elle est plus claire et plus favorable aux victimes. J'espère donc qu'elle fera l'objet d'un large consensus sur nos bancs.

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