Intervention de Arnaud Danjean

Réunion du mardi 17 octobre 2017 à 17h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Arnaud Danjean, président du comité de rédaction de la revue stratégique de défense et de sécurité nationale :

En ce qui concerne l'espace, la question de l'exploitation des ressources n'entrait pas vraiment dans le champ de la revue stratégique, placée sous l'autorité de la ministre des Armées et conduite pour son ministère. Ce sujet relève davantage des traités internationaux et donc du ministère des Affaires étrangères, mais je rejoins ce qu'a dit Joël Barre. La question de l'espace exo-atmosphérique est largement évoquée dans le rapport.

Vous m'avez demandé en quoi le cadre institutionnel européen peut être bloquant ou handicapant tel qu'il existe aujourd'hui.

Premier exemple, les États membres ne mettent pas en oeuvre le traité de Lisbonne. On pourrait d'ores et déjà obtenir beaucoup en se contentant de l'appliquer, mais on ne le fait pas. L'article 44 du traité sur l'Union européenne permet d'être extrêmement flexible pour les opérations, puisque, pour résumer, le Conseil peut donner un feu vert aux États souhaitant agir et « bénir » des initiatives prises par seulement quelques-uns d'entre eux. Mais tout le monde feint de l'ignorer, afin de ne surtout pas avoir à introduire trop de flexibilité dans un modèle que l'on veut « inclusif ». C'est la formule magique : il faut que tout le monde soit à bord, mais cela ne peut pas marcher si c'est le cas. J'espère que l'on en arrivera à des formules modulaires et non pas inclusives.

Au risque de marquer un but contre mon propre camp – je m'exprime en amoureux du football et il y en a d'éminents dans cette salle –, le Parlement européen peut malheureusement être un autre facteur bloquant, pour des raisons que l'on peut d'ailleurs comprendre assez bien : à l'origine, il n'avait pas de compétence en matière de défense, a fortiori sur le plan législatif, puisque l'on était dans un domaine intergouvernemental. Or il existe aujourd'hui un certain nombre d'initiatives qui donnent un pouvoir aux institutions européennes en matière de financement, comme l'a rappelé Joël Barre, voire sur un plan un peu plus opérationnel. Par ricochet, le Parlement européen doit se prononcer.

Je suis ainsi le rapporteur d'un texte un peu prosaïquement appelé Train and Equip, qui concerne la capacité à financer, sur des budgets européens, des équipements non létaux à destination de pays où des opérations européennes sont déployées. La mission EUTM Mali qui contribue à la formation d'une armée en pleine reconstruction forme ainsi des soldats, mais ne peut pas les équiper, que soit en armes ou en matériel non létal. Nous plaidons pour que l'on soit en mesure de financer, par exemple, des capacités médicales militaires en faveur de l'armée malienne. Après huit mois de débats au Parlement européen, le texte n'est toujours pas adopté car de nombreux groupes politiques s'y opposent. Ils ne veulent pas que de l'argent communautaire aille à de telles dépenses – il est question de cent millions d'euros sur trois ans… Je pars demain matin à Bruxelles pour discuter du texte en trilogue pendant trois heures : la Commission veut avancer et le Conseil aussi, mais je suis bloqué par mes collègues du Parlement. Vous verrez aussi ce qui se passera avec l'initiative de la Commission en matière de recherche et de capacités. Le projet sera complètement décortiqué et je ne suis pas sûr qu'il passe en l'état.

C'est aussi une question de culture. Le Parlement européen n'a pas l'habitude de traiter de ces questions. La défense fait l'objet d'une sous-commission – je l'ai présidée et je sais de quoi je parle : c'est totalement annexe, y compris dans la programmation des débats.

Il va falloir que les partis politiques français y pensent lorsqu'ils constitueront leurs listes pour les élections européennes de 2019, si la défense leur tient tant à coeur. Il faut que nous ayons à Bruxelles des gens qui savent de quoi ils parlent quand ils abordent ces questions. Aujourd'hui, nous devons être une dizaine à connaître ces sujets au Parlement européen.

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