Comme cela a été rappelé, le sujet de la couverture numérique et mobile des territoires est au coeur des préoccupations de nos concitoyens.
Je relève sur ce point des similitudes avec la question de la désertification médicale et la façon dont elle débattue depuis dix ans. En effet, pour avoir porté ce sujet à de nombreuses reprises je me suis aperçu que nous partagions de nombreux constats, de façon transpartisane, et que nous arrivions souvent, progressivement, aux mêmes conclusions. La commission d'enquête parlementaire consacrée à ce sujet l'a d'ailleurs prouvé.
Si je me suis permis de prendre à bras-le-corps le sujet de la couverture mobile du territoire, c'est parce qu'un aveu d'impuissance s'exprime, tant au Parlement que chez nos concitoyens. De nombreuses attentes ne sont pas satisfaites. M. Jean-Pierre Vigier a signalé que le New Deal fonctionnait bien dans certains départements. Mais seuls 6 sites sont opérationnels, sur les 485 visés ! Ce taux de réussite, à trois pour mille, est tout de même assez faible et il est difficile de s'en féliciter.
Ce qui a présidé à l'écriture de cette proposition de loi, c'est d'abord l'expérience de terrain. Cette écriture a également été motivée par un constat. Comme je l'ai rappelé, j'ai participé par le passé au déploiement de la BLR. Nous avons pris à bras-le-corps la question du numérique en Eure-et-Loir, en mobilisant 160 millions d'euros. Fin 2021, 97 % des habitants du département bénéficieront du très haut débit. Une telle démarche demandait du courage. À l'échelle de la région, elle représentait 800 millions d'euros.
M. Jean-Pierre Vigier se demandait plus haut s'il était judicieux que les collectivités cofinancent l'installation de sites mobiles alors qu'elles sont financièrement en difficulté. Je prendrai sur ce point l'exemple de la région Auvergne-Rhône-Alpes. J'ai été impressionné par le montant financier qui a été proposé par le président de cette région en lieu et place des opérateurs pour assurer la couverture numérique et mobile de son territoire. Cette décision est le fruit d'un diagnostic et d'une stratégie déployée pour y répondre. En effet, en l'absence d'outils comme le numérique ou la téléphonie mobile, il est impossible de parler de développement économique, de télémédecine, ou d'adaptation aux nouveaux usages de la vie de tous les jours.
Mme Laure de La Raudière a posé une question importante. Si nous laissons à des collectivités la possibilité de cofinancer le dispositif de couverture ciblée de leurs territoires, celui-ci s'en trouvera-t-il accéléré ? Les opérateurs, que j'ai auditionnés, déclarent que les moyens financiers qu'ils mobilisent actuellement pour déployer les antennes inscrites dans le New Deal représentent un effort maximum. Je pense d'ailleurs que la commission des affaires économiques pourrait se saisir de cette question.
J'ai soulevé le 3 février en préfecture une question qui n'a pas obtenu de réponse, et qu'il faudra que nous posions en tant que Représentation nationale : combien les opérateurs ont-ils dépensé en réalité ? Et combien l'État leur a-t-il accordé en décidant de reconduire les licences gracieusement ? Il s'agit d'argent public. Il faut donc que nous puissions véritablement évaluer la non-contribution des opérateurs aux ressources fiscales de l'État, et quel a été le montant véritable de leurs dépenses. Et cette évaluation ne doit pas s'appuyer sur les chiffres des opérateurs eux-mêmes. Ce serait trop facile ! Ils ne peuvent définir eux-mêmes les coûts.
Il serait bon d'ailleurs que nous connaissions le coût moyen du déploiement d'une antenne, quel que soit le territoire français concerné. Nous pourrions ainsi disposer d'une vision objective de la situation.
Donner à des collectivités la possibilité de cofinancer le dispositif de couverture ciblée me semble judicieux pour une raison très simple. Si les opérateurs affirment de leur côté être au maximum de leur effort, une collectivité pourrait faire le choix politique de leur proposer – cette décision étant, j'y insiste, facultative – de participer au financement des opérations. Toutes les régions de France l'ont d'ailleurs fait ! La région Grand Est a ainsi lancé un plan numérique d'un montant de 1,1 milliard d'euros, auquel elle a participé à hauteur de 290 millions d'euros.
Des choix ont donc été posés dans certains territoires. Et l'objectif de ma proposition n'est pas de substituer quoi que ce soit à ce qui existe, mais d'offrir aux collectivités qui le souhaitent la possibilité de participer au financement du dispositif de couverture ciblée.
Que disent les opérateurs pour justifier les retards pris ? Ils évoquent de nombreuses raisons : le terrain est d'un accès compliqué, le maire n'est pas d'accord, etc. Mais tout cela s'organise ! Nous avons tous suivi au cours de nos mandats antérieurs des chantiers d'une complexité beaucoup plus grande. Vous ne me ferez pas croire qu'il est si difficile de monter une antenne ! Au cours de la réunion du 3 février, à Chartres, nous avons d'ailleurs peiné à obtenir des informations sur la durée des chantiers.
Il faut encadrer tout cela. C'est pourquoi je propose d'ouvrir la possibilité d'un cofinancement ainsi que celle d'une codécision relative à l'implantation des antennes. Je rappelle que nous sommes les représentants des habitants. Il ne s'agit pas de mettre en place un système coercitif, mais une décision collégiale entre l'État, qui reste le pilier central, les collectivités qui pourraient participer au financement, et les opérateurs qui nous opposent aujourd'hui des arguments dont nous ne pouvons dire qu'ils soient satisfaisants.
En effet, tout le monde reconnaît que les opérateurs transfèrent parfois des mesures de couverture fausses à l'ARCEP, alors qu'une telle affirmation était inenvisageable il y a dix-huit ou vingt-quatre mois. Les données de l'ARCEP étaient en effet considérées comme justes auparavant. Une convergence intellectuelle s'opère désormais sur ce point. Dans notre département, l'État cofinancera d'ailleurs avec le conseil départemental et la Banque des territoires l'organisation de nouveaux relevés, afin de vérifier le bien-fondé des affirmations des opérateurs. Voyez où nous en sommes ! C'est l'État lui-même qui se charge de contrôler un organisme dépendant de l'État !