La décision prise en 2015 de reporter les rencontres prévues le 5 mai uniquement lorsque cette date tomberait le samedi n'a pas de sens et ne saurait suffire. Elle a abouti à ce que de nombreux matchs ont eu lieu le 5 mai – cinq au cours de la saison 2018-2019 – et pourrait même conduire à ce que des victoires en Coupe de la Ligue ou en championnat de France soient fêtés à cette date, comme en 2001 et en 2010.
Une telle situation est évidemment intolérable pour celles et ceux pour qui le 5 mai est un jour de douleur et de deuil. Elle ne respecte pas le devoir de mémoire ; elle n'est pas digne de ce que doit la nation aux victimes, à leurs familles et à leurs proches.
Indigne, cette situation est aussi absurde. Quelle logique y-a-t-il, en effet, à reporter les matchs du 5 mai uniquement lorsque celui-ci tombe un samedi ? Une telle mesure ne peut tenir à une raison historique, puisque le 5 mai 1992 était un mardi, ni à une raison pratique : il revient à la Ligue de football professionnel de fixer le calendrier des saisons et rien ne s'oppose, sur le plan technique, à ce que la date du 5 mai soit sanctuarisée dans toute la France, qu'elle tombe un samedi, un dimanche ou un autre jour de la semaine.
Pourquoi, dans ces conditions, n'avoir pas déjà pris la décision ? Je n'ose croire que la réponse à cette question soit liée à d'obscurs impératifs financiers ou, pire, à une coupable légèreté vis-à-vis d'un drame que l'on croirait pouvoir minimiser et ramener à une dimension régionale. Ce serait un scandale.
Il est plus que temps de réparer l'erreur qui a été commise et d'entendre la voix de ceux qui réclament, depuis près de vingt-huit ans, que la nation respecte enfin la mémoire des victimes du 5 mai 1992. Ils sont nombreux, et il faut rendre hommage à leur combat : nombreux en Corse, bien sûr, au sein du collectif des victimes de la catastrophe de Furiani du 5 mai 1992, mais nombreux aussi au-delà, dans la famille du football, dans celle du sport et dans le pays tout entier.
Je pense, par exemple, à ces supporters stéphanois, marseillais ou rennais qui ont déployé, le 5 mai 2019, des banderoles dans les stades pour dire leur indignation face à l'organisation de matchs le 5 mai et demander que cela ne se reproduise plus. Sur l'une de ces banderoles étaient écrits les mots : « Par respect, pas de match le 5 mai ». Cette expression aussi simple qu'admirable de ce que George Orwell appelait la « décence ordinaire » du peuple résume tout.
S'il fallait encore ajouter une chose, je dirais que la mémoire de la tragédie de Furiani porte en elle une leçon civique d'une importance cruciale à notre époque, celle de la dérive du sport spectacle. Si le football engendre des profits économiques – profits immenses, disproportionnés sans doute – , jamais la quête du profit ne doit se faire au détriment de la sécurité des spectateurs.
Pour rendre hommage aux victimes de la catastrophe de Furiani, pour dire la solidarité, l'émotion et le respect de la nation à leurs familles et à leurs proches, pour préserver le sens de la vertu républicaine, qui enseigne que le spectacle et l'argent ne seront jamais plus importants que le bien commun, il importe que le 5 mai soit marqué d'une pierre blanche et qu'aucun match de football des championnats professionnels de la Ligue 1, de la Ligue 2 et de la Coupe de France ne soit joué ce jour-là dans notre pays.
Le groupe La France insoumise votera en faveur de la proposition de loi.