Je garderai pour moi tout ce qui est du registre de l'intime, tout ce que j'ai vécu le 5 mai 1992 – puisque j'étais présent dans le stade ce soir-là. Mais cela correspond à ce que d'autres ont déjà évoqué : la souffrance, la scène de guerre, le ballet des hélicos, la voix du speaker qui disait : « Ne tapez pas des pieds ! Ne tapez pas des pieds ! »…
Je voudrais me tourner vers le collectif des victimes, ici présent. Les uns – je pense à Vanina, à Lauda, à Josepha – ont perdu quelqu'un ce jour-là : un père, un frère, un fils, un grand-père, un ami. Les autres ont été blessés dans leur chair ; on les croise quotidiennement dans les rues de Bastia, et ils portent les stigmates de ce drame qu'ils vivront chaque jour de la semaine, pour reprendre les propos de M. Castellani. Mais tous ont aussi vécu un chemin de croix pendant vingt-huit ans. Ce qui aurait dû normalement leur être concédé, la société, l'État, la justice, et encore moins la Ligue de football professionnel et la Fédération française de football, ne le leur ont pas accordé.