Intervention de Christophe Naegelen

Réunion du mercredi 22 janvier 2020 à 15h05
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Naegelen, rapporteur :

Le démarchage téléphonique abusif est devenu une véritable plaie, et nos concitoyens sont unanimes à dénoncer les appels intempestifs reçus à leur domicile. Ce constat de départ ne doit pas nous faire oublier que le démarchage téléphonique est une pratique commerciale légale qui représente de nombreux emplois : plus de 55 000 emplois directs en France, dont non moins de 15 000 dans les seuls Hauts-de-France.

Ce n'est donc pas le démarchage vertueux qu'il faut interdire, mais la fraude au démarchage, les agissements des entreprises qui le pratiquent de manière illégale, jetant ainsi l'opprobre sur tout un secteur : appels surtaxés illégaux, automates intempestifs, appels-pièges, dits ping calls, usurpations de numéro, etc. sont autant de pratiques frauduleuses qui excèdent nos concitoyens.

La dissuasion et les sanctions ne constituent pas l'alpha et l'oméga de la réponse à apporter, même si nous multiplions les amendes par cinq. Il est indispensable de faire d'abord de la prophylaxie pour traiter le problème à la racine et empêcher d'agir les entreprises tentées par la fraude. L'exigence du consentement préalable des consommateurs, ou opt-in, n'aurait, quant à lui, pour effet que de sanctionner les entreprises vertueuses, en laissant aux fraudeurs les moyens de poursuivre leurs pratiques illicites. Les entreprises qui fraudent aujourd'hui continueraient à frauder demain, la réglementation leur important peu.

Cette proposition de loi va beaucoup plus loin que l'opt-in, en responsabilisant les professionnels et les administrations, mais surtout les opérateurs téléphoniques, pour créer un écosystème garantissant à la fois la protection du consommateur et une pratique commerciale légitime. Elle constitue un véritable arsenal juridique et technique au service d'une lutte efficace contre les appels intempestifs et frauduleux. La complexité technologique en présence est telle que réduire le débat à une opposition entre opt-in et opt-out, c'est-à-dire entre exigence du consentement préalable et opposition expresse, reviendrait à mentir au consommateur, en lui cachant la réalité.

Le texte que nous examinons contient des dispositions votées à l'Assemblée en première lecture et confirmées par le Sénat l'an dernier : le renforcement de l'information des consommateurs sur la possibilité de s'inscrire gratuitement sur la liste d'opposition au démarchage téléphonique ; l'obligation du démarcheur de décliner son identité, l'identité de la personne morale ou physique qui l'emploie ainsi que la nature commerciale de l'appel ; l'obligation de tout professionnel de saisir l'organisme délégataire de service public afin de s'assurer de la conformité de ses fichiers de prospection commerciale ; une charte des bonnes pratiques s'appliquant aux professionnels ; le renforcement conséquent des sanctions en cas de fraude ; l'obligation pour les opérateurs de suspendre la ligne d'un fournisseur de services à valeur ajoutée, s'ils ont connaissance que le numéro ne correspond pas à un service effectif ; la possibilité donnée à l'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation, en l'occurrence la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), de demander à l'autorité judiciaire de prescrire en référé la coupure d'une ligne aux fournisseurs d'un service téléphonique au public exploitant un numéro à valeur ajoutée, ou numéro surtaxé illégal ; la mise en place d'un dispositif de « nommer et blâmer » pour inciter les entreprises à respecter l'opposition au démarchage et les règles qui y sont liées.

Le Sénat s'est positionné sur la même ligne que nous, pour l'essentiel, en confirmant la nécessité de privilégier l'opt-out, c'est-à-dire l'opposition expresse. Je salue certaines avancées obtenues sous l'impulsion du sénateur André Reichardt, comme une transparence accrue pour le délégataire de service public, Bloctel, ou encore la fixation par décret des horaires autorisés pour le démarchage téléphonique.

Après de nouvelles auditions, mû par une réelle volonté de protéger davantage le consommateur, je vous proposerai quelques amendements, qui s'inscrivent dans la continuité de la navette parlementaire. Ils visent plusieurs objectifs : soumettre les organes de presse, les associations caritatives et les instituts d'études et de sondage au respect du droit d'opposition au démarchage, même non commercial ou, a minima, à l'encadrement des horaires de leurs appels ; responsabiliser les professionnels donneurs d'ordre en leur imposant de respecter un code de bonnes pratiques et en engageant leur responsabilité pour les agissements de leurs sous-traitants ; soumettre le délégataire de service public à une obligation de publication annuelle de rapport d'activité ; restreindre le champ de l'exception contractuelle en le limitant aux sollicitations relatives à un contrat en cours ou ayant un lien avec l'objet du contrat ; augmenter les sanctions prévues à l'encontre des professionnels et opérateurs qui ne respecteraient pas les dispositions relatives aux numéros à valeur ajoutée ; rendre plus efficace la lutte contre la modification illégitime de l'identifiant d'appelant, ou « spoofing », en faisant en sorte que tous les opérateurs concernés aient l'obligation, sanctionnable par l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP), de bloquer les appels modifiant de façon illégitime l'identifiant d'appelant.

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