Intervention de Sébastien Jumel

Séance en hémicycle du lundi 17 février 2020 à 21h30
Système universel de retraite — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Jumel :

Je suis très heureux d'être parmi vous.

« Il faut en finir avec la souffrance, l'indignité et l'exclusion. Désormais, nous mettrons l'homme à l'abri du besoin. Nous ferons de la retraite non plus une antichambre de la mort mais une nouvelle étape de la vie. » Ambroise Croizat ne dirait pas mieux aujourd'hui. La naissance de la sécurité sociale fut une véritable rupture de société en ce qu'elle permit d'arracher au monopole privé la protection des hommes et des femmes de ce pays. Le Conseil national de la résistance voyait aboutir ses espérances en ce 8 août 1946 : chacun était libéré de l'insécurité sociale, de la crainte de la maladie, de la peur de l'accident, et du « naufrage » de la vieillesse, selon l'expression du général de Gaulle.

Ce temps de la vie, libéré des malheurs sociaux et des appétits voraces d'une économie nationale qui s'était compromise dans la collaboration, a perduré et a pris un nom, celui de la retraite. De chacun selon ses moyens à chacun selon ses besoins, voilà qui formait une belle devise.

La retraite a ensuite évolué. Nous avons construit un système partageur qui s'est adapté aux contraintes de différentes professions, tel l'emblématique statut des électriciens et gaziers fondé par Marcel Paul, lequel considérait que l'énergie n'était pas une marchandise comme les autres. Je souligne aussi l'avancée majeure que constitua l'instauration en 1982 du droit à la retraite à taux plein à partir de 60 ans.

Mais vous êtes arrivés, emplis d'arrogance et de certitudes, pour porter un coup décisif à notre système de retraite. Vous êtes les héritiers des réformes Balladur de 1993, Fillon de 2003 et Touraine en 2014, des héritiers turbulents car vous souhaitez maintenant détruire ce qui fonde notre pacte commun : la retraite par répartition, l'élément le plus intime de la République sociale.

Vous voilà porteurs d'un projet de loi à trous, dont les ordonnances recèlent les plus sombres promesses. Vous vous apprêtez à créer un système à points de vie. Dans ce jeu de points, tous seront perdants : les femmes, la majorité des 20 millions de salariés du régime général, les professionnels libéraux, les 400 000 agents des régimes spéciaux, les 4,4 millions de fonctionnaires. Tous seront perdants.

Mais alors, pourquoi faire cette réforme ? Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine en convient, tout n'est pas parfait dans le système actuel. C'est en ce sens d'ailleurs que nous vous avons adressé une proposition de réforme alternative, y compris en matière de financement.

S'il n'est pas parfait, notre système de retraite actuel limite la pauvreté. Selon l'INSEE, 44 % des retraités les plus pauvres bénéficient d'une hausse de leur niveau de vie lors de leur départ à la retraite. C'est notamment le cas pour ceux qui ont connu des carrières heurtées par le chômage ou du temps partiel.

Il est difficile de comprendre le pourquoi de cette réforme, si ce n'est une pure motivation idéologique. Au lieu de proposer une réforme de progrès, vous avez préféré un modèle par points, injuste, inéquitable et illisible.

Non, un euro cotisé n'ouvrira pas les mêmes droits à tous, puisque la pension de retraite sera calculée sur l'ensemble de la carrière, et non plus sur les vingt-cinq meilleures années dans le secteur privé et les six derniers mois dans le secteur public. La conséquence directe sera une baisse des pensions, puisque les périodes de chômage, les interruptions, la maternité et les débuts de carrière, moins favorables, entreront dans le calcul.

L'autre véritable problème de cette réforme tient à la valeur du point. Le point est, en effet, indexé sur un indicateur imaginaire, voire inventé pour les circonstances.

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