Intervention de Éric Woerth

Séance en hémicycle du lundi 17 février 2020 à 21h30
Système universel de retraite — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Woerth :

L'absence totale de visibilité s'agissant du financement du nouveau système interroge, et ce d'ailleurs jusque dans vos propres rangs. Une partie de l'équilibre que vous nous présentez repose sur 2027 par une sorte de tour de magie. Nous ne savons pas du tout comment vous remettrez le système à l'équilibre en 2027. Certaines courbes sont très intéressantes, tel le graphique no 63 qui montre que l'on rejoint l'équilibre, mais personne ne sait si le chemin est bien tracé, tandis qu'on s'aperçoit que l'on obtient presque les mêmes résultats financiers avant et après la réforme. Nous nous interrogeons donc à juste titre sur le motif même de cette réforme.

Vous nous présentez également une réforme systémique. C'est très bien, mais la réalité est que nous allons passer des jours, voire des semaines à discuter de paramètres. Les Français défilent d'ailleurs pour des paramètres, pas pour des systèmes. Un système sans paramètres constituerait une boîte vide ; la boîte que vous nous proposez aujourd'hui est, à mon sens, au moins à moitié vide.

La preuve de la complexité de la réforme réside d'ailleurs dans le grand nombre de paramètres. Ces derniers sont plus nombreux qu'avant. Il s'agit de l'âge légal, de l'âge pivot, de la valeur du point – valeur à l'achat et valeur de service – , de la durée de cotisation – laquelle ne disparaîtra pas totalement – , de l'indice du revenu moyen – qui n'existe pas encore – , et j'en passe. Le texte contient également une profusion de périodes et de dates, comme l'année 2045, tandis que certaines dispositions s'appliqueront aux personnes nées après 1975, quand d'autres ne concerneront que les personnes nées après 1985. Au total, cela représente beaucoup de paramètres pour une réforme systémique, lesquels sont, cela va de soi, aussi bien maîtrisés dans vos rangs que par les Français.

Enfin, votre projet de loi est universel, ou plutôt universellement disparate. Vous recréez en réalité un grand nombre de régimes spéciaux. Vous souhaitez créer un acteur unique en opérant une recentralisation du système de retraite, alors que nous avions auparavant des caisses autonomes, mais, d'une certaine manière, vous les réactivez pour chaque profession qui vient vous les réclamer, un peu à la manière des niches fiscales.

Mais, puisque vous combattez les niches fiscales dans le système social, vous auriez dû faire de même pour les niches sociales, et vous inscrire ainsi dans la même cohérence.

En définitive, il y a dans ce texte plus de zones d'ombre que d'espaces de clarté. Je ne citerai, faute de temps, que quelques exemples parmi beaucoup d'autres, à commencer par la question de la convergence de l'âge de départ pour les régimes spéciaux, qui reste largement ouverte. J'avais posé la question ici même au Premier ministre, mais je n'ai toujours pas la réponse : quand exactement le premier conducteur de métro partira-t-il à 62 ans ? Dans vingt ans, dans trente ans, dans quarante-trois ans, comme je l'ai entendu dire ?

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