Les crédits du programme 345 « Service public de l'énergie » et du programme 174 « Énergie, climat et après-mines », du compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale » (FACÉ), et du compte d'affectation spéciale « Transition énergétique » s'élèvent à environ 11 milliards d'euros en mettant de côté les 2,6 milliards d'euros de dépenses fiscales. Les crédits du CAS « Transition énergétique » représentent environ 50 % des fonds budgétaires consacrés à l'ensemble de ces programmes et le crédit d'impôt transition énergétique (CITE) représente à lui seul 1,5 milliard d'euros sur les 2,6 milliards de dépenses fiscales.
Monsieur le secrétaire d'État, ma première réflexion concerne la maquette budgétaire. De toute évidence, comme la majorité des crédits se trouve dans des comptes d'affectation spéciale, la politique énergétique ressemble davantage à un jardin à l'anglaise qu'à un jardin à la française, avec une forme d'hétérogénéité dans la construction de ses programmes : si les zones non intercommectées (ZNI) ou la précarité énergétique figurent dans le programme « Service public de l'énergie », on peut se demander pourquoi on y trouve aussi la cogénération ou la fermeture de la centrale de Fessenheim…
Forme d'hétérogénéité, disais-je, mais également problème de visibilité pour les dépenses fiscales : les certificats d'économie d'énergie (CEE), qui sont l'une des principales politiques en matière de décarbonation, n'apparaissent pas. Les personnes que nous avons auditionnées nous ont indiqué qu'ils pourraient donner lieu à des fraudes qui représenteraient à elles seules une quasi-imposition… Cela mériterait de se demander pourquoi le Parlement ne discute à aucun moment de quelque chose qui représente un volet important de la politique environnementale.
Il pourrait être possible de réorganiser cette construction qui est devenue de plus en plus touffue au fil du temps, avec un programme « Service public de l'énergie » qui intégrerait notamment le CAS FACÉ et perdrait l'action « Soutien à la cogénération » et l'action « Fermeture de la centrale de Fessenheim », l'après-mine et l'après-nucléaire pouvant être inclus dans le programme 174, de même que le CAS « Transition énergétique ». On aurait ainsi, d'un côté, tous les crédits liés à la transition énergétique et, de l'autre, tous ceux consacrés au service public, à la précarité, à la médiation ou à la péréquation. C'est important, parce que lorsqu'on regarde l'horizon on s'aperçoit que cela représente, sur les cinq ans à venir, 10 milliards d'euros pour les zones interconnectées et 44,5 milliards d'euros pour la transition énergétique, selon la Commission de régulation de l'énergie. Cela suppose donc d'avoir une bonne visibilité des politiques que l'on entend mener et surtout des financements qu'elles supposent : il n'est qu'à rapporter les 44,5 milliards d'euros alloués à la transition énergétique au coût de notre parc nucléaire lors de sa construction : 90 milliards d'euros – en euros actuels.
Qui plus est, le programme 345 « Service public de l'énergie » n'a pas fait l'objet, de toute évidence, d'une véritable réflexion sur les critères de sa performance – ce n'est pas moi qui le dis, mais la Cour des comptes.
Vous proposez d'appliquer au CITE une forme de transformation que je trouve un peu brutale, notamment quand on se demande si l'on doit mettre les fenêtres au même rang que les portes pour les faire sortir de certains dispositifs : même si ce sont des petits investissements de maîtrise de l'énergie, ils permettent de s'approprier la démarche.
Vous parlez d'un consensus sur le coût de gestion du chèque énergie par les opérateurs. Mais ces mêmes opérateurs nous expliquent qu'en réalité la compensation fonctionnait bien mieux avec les tarifs réglementés… Ensuite, on s'aperçoit que les grands perdants de cette réforme seront ceux qui se chauffent au gaz. Il vaut donc mieux se chauffer au fioul avec le chèque énergie qu'au gaz, ce qui est un peu contradictoire avec une politique de transition énergétique. Cela dit, on peut voir les choses du bon côté et considérer que cela n'a rien à voir avec le programme 174 mais avec le programme 345.
Quant à la baisse des crédits de fonctionnement des associations agréées de surveillance de la qualité de l'air, elle est à mon avis inexplicable lorsqu'on souhaite mettre l'accent sur une telle politique.
Pour ce qui est du FACÉ, j'ai noté le manque de projets finançables outre-mer.
S'agissant du nucléaire enfin, il manque bien évidemment une feuille de route claire, notamment avec le report de l'avis de l'ASN après 2020. Le Gouvernement devrait s'employer à donner une réelle visibilité sur cette filière, au moment où les surcoûts liés aux dépenses de sécurité et de sûreté mettent à mal sa rentabilité économique. Le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) nous a fait part du manque total de visibilité sur les investissements en matière de recherche pour Astrid et le réacteur Jules Horowitz après 2020.