Intervention de Yves Blein

Réunion du mardi 31 octobre 2017 à 17h15
Commission élargie : finances - affaires économiques - développement durable - affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Blein, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques sur le rapport « économie sociale et solidaire » :

Les crédits destinés à l'économie sociale et solidaire (ESS) dans le PLF pour 2018 font cette année leur entrée au sein de la mission « Écologie, développement et mobilité durable » en raison du transfert de la compétence relative à l'ESS du ministère de l'économie au ministère de la transition écologique et solidaire. Ces crédits affichent, à périmètre constant, un niveau stable des autorisations d'engagement, puisque celles-ci passent de 15,3 à 15,4 millions d'euros, soit une hausse de 1 %, et une baisse de 5,4 % des crédits de paiement, ceux-ci passant de 15 à 14,2 millions d'euros.

Cette relative stabilité masque une forte augmentation des crédits de développement de l'ESS – plus 48 % en autorisations d'engagement – et une nette baisse de 17,3 % des crédits des dispositifs locaux d'accompagnement (DLA), dont on connaît pourtant l'importance pour le monde associatif et l'efficacité. Mon avis sur ces crédits sera favorable en raison de l'augmentation des moyens dévolus au développement de l'ESS. Toutefois, j'ai déposé un amendement visant à rétablir le financement des DLA à son niveau de 2017.

J'ai choisi de revenir dans la suite de ce rapport sur trois thèmes d'importance pour l'économie sociale et solidaire : le crédit d'impôt de taxe sur les salaires (CITS), la situation de l'emploi dans l'ESS et l'innovation sociale.

Le CITS constitue l'équivalent longtemps attendu, pour le secteur non lucratif, du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). Institué en loi de finances pour 2017, il doit compenser le différentiel de compétitivité induit par le CICE pour les associations par rapport à leurs homologues du secteur non lucratif. Cette différence de traitement était durement ressentie, ce dont semble témoigner l'évolution des chiffres de l'emploi dans les associations au cours des douze derniers mois. Les données de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) montrent que l'emploi associatif a enregistré un recul de 0,3 % de mars 2016 à mars 2017, et de 0,6 % entre juin 2016 et juin 2017, alors que l'emploi salarié privé était en hausse. Ce phénomène devrait disparaître à compter de 2019, à l'occasion de la transformation du CITS et du CICE en allégements pérennes de cotisations sociales et patronales, ce dont je me félicite : 1,4 milliard d'euros devraient ainsi être laissés chaque année au secteur non lucratif, soit trois fois plus qu'avec le CITS actuellement.

L'emploi dans l'ESS affiche un dynamisme qui tranche avec le reste du secteur privé. En 2014, l'ESS représentait 2,4 millions de salariés, 10,5 % de l'emploi total et près de 14 % de l'emploi salarié privé. Depuis 2000, le nombre de salariés dans les associations, fondations, coopératives, mutuelles, entreprises sociales a progressé d'environ 25 %, contre 6 % en moyenne pour le secteur privé hors ESS. Depuis 2008, les effectifs de l'ESS ont augmenté de 6,5 % environ alors que l'emploi privé hors ESS stagnait.

Cette rentrée a été marquée par l'annonce de la réduction du nombre des emplois aidés, qui représentent 7 % des emplois dans l'ESS. Comme l'a annoncé le Premier ministre, 310 000 contrats aidés seraient prévus pour l'ensemble de l'année 2017. Sachant que 460 000 contrats aidés ont été signés en 2016, ce chiffre signifie que 150 000 contrats ne seront pas renouvelés, et ce mouvement devrait se poursuivre en 2018 puisque seulement 200 000 contrats aidés sont prévus.

Ces décisions auront des conséquences importantes sur l'activité et le modèle économique de certaines entreprises de l'économie sociale intervenant auprès de publics fragiles, mais aussi sur l'employabilité et l'insertion des personnes les plus éloignées de l'emploi. Les associations, premières utilisatrices du dispositif au sein de l'ESS, subissent d'ores et déjà une baisse des financements publics du fait de la diminution des subventions et de l'évolution défavorable des tarifications pratiquées par les collectivités ; j'estime que les emplois aidés qui demeureront devraient être prioritairement affectés au mouvement associatif, notamment dans les secteurs d'activité où ils constituent un sas vers la formation et le retour à l'emploi. C'est là qu'ils trouvent réellement leur vocation et atteignent leur utilité maximale.

Enfin, je me suis intéressé au financement de l'innovation sociale, qui constitue un gisement de croissance et d'emploi considérable pour l'avenir. Son financement a été largement accru au cours des dernières années, notamment par le biais du programme d'investissements d'avenir et du fonds pour l'innovation sociale gérée par BPIfrance. Il demeure cependant insuffisant. Pour l'accroître, je propose des versements spécifiques destinés à l'innovation sociale parmi ceux issus du fonds de 10 milliards d'euros en faveur de l'innovation, et la création d'un équivalent du crédit d'impôt recherche permettant d'encourager l'innovation sociale.

Je terminerai par trois questions à l'adresse de M. le secrétaire d'État.

Quelle est la répartition exacte de la réduction du nombre d'emplois aidés en 2017 et en 2018 entre leurs quatre types de bénéficiaires, État, collectivités, associations, entreprises ?

Pourquoi diminuer les moyens dévolus aux DLA, ces outils essentiels pour la transformation du modèle économique des associations, alors qu'ils ont prouvé leur efficacité ?

Enfin, si le budget de cette année est marqué par l'inclusion à l'action regroupant les crédits de l'ESS de ceux des DLA, d'autres crédits destinés à l'ESS continuent d'être inscrits dans d'autres missions. Un véritable budget consolidé pour l'économie sociale et solidaire est-il envisageable ?

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