Intervention de Bertrand Sorre

Réunion du vendredi 3 novembre 2017 à 9h05
Commission élargie : finances - affaires culturelles

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBertrand Sorre, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l'éducation :

Je ne reviendrai pas sur l'évolution des crédits du budget de l'enseignement scolaire, mon collègue de la commission des finances les ayant déjà présentés. Avec un budget qui dépasse pour la première fois les cinquante milliards d'euros, les engagements sont tenus et le cap tracé vers une école de la confiance, inspirée par ces trois mots rappelés par M. le ministre : République, excellence et bienveillance.

Ces mots s'appliquent parfaitement au thème que ma collègue Anne-Christine Lang et moi-même avons choisi d'approfondir dans notre rapport, celui de la scolarisation des élèves allophones – c'est-à-dire ne parlant pas français – nouvellement arrivés : la République, bien sûr, car depuis ses débuts, l'école républicaine fait une place particulière à ces enfants ; l'excellence, ensuite, car l'enjeu est bien de permettre à ces enfants, au passé souvent douloureux mais extrêmement motivés, d'exprimer leurs pleines capacités scolaires, nonobstant l'obstacle initial de la langue ; la bienveillance enfin, car l'éducation nationale peut être fière de ses personnels qui, au quotidien, aident ces enfants à intégrer la communauté scolaire et, à travers elle, la communauté nationale.

Pourtant, si l'on en croit un récent rapport de l'OCDE intitulé « Les élèves immigrés et l'école : avancer sur le chemin de l'intégration », les performances de la France en matière de réussite scolaire des enfants immigrés sont très faibles, de même que leur sentiment d'appartenance à l'école. La réglementation en la matière date de l'automne 2012. Deux circulaires ont été signées de votre main, monsieur le ministre, à une époque où vous occupiez d'autres fonctions au ministère.

Il nous a semblé utile de faire un premier bilan, forcément parcellaire, du fonctionnement des différents dispositifs. Ce bilan est d'autant plus nécessaire que la France connaît depuis quelques années une arrivée importante de migrants, parfois accompagnés d'enfants, quand ce ne sont pas des enfants seuls qui risquent leur vie pour arriver jusqu'ici.

Le dispositif fonctionne de manière plutôt satisfaisante et permet, le plus souvent, d'accueillir dignement ces enfants allophones. Il existe des centres académiques pour la scolarisation des enfants allophones nouvellement arrivés et des enfants issus de familles itinérantes et de voyageurs(CASNAV) dans toutes les académies et les unités pédagogiques pour élèves allophones arrivants (UPE2A) fonctionnent en général correctement.

On constate néanmoins une très grande diversité des pratiques territoriales, en particulier parce que ces enfants et leur famille sont très inégalement répartis sur le territoire national. Vous trouverez tous les chiffres dans notre avis budgétaire.

De plus, le dispositif est extrêmement fragile et, dans certains territoires, soumis à une pression importante. Pour les plus âgés de ces enfants, les délais d'affectation en collège ou en lycée sont souvent beaucoup trop longs, alors que la pression migratoire ne va sans doute pas aller en diminuant, les flux ayant très certainement vocation à augmenter dans les prochaines années.

Par ailleurs, ce dispositif est peu piloté au niveau national. Chaque académie est relativement autonome dans son organisation. C'est positif car cela permet de faire émerger des initiatives locales innovantes. Mais, de ce fait, la remontée d'information au ministère est trop limitée, ce qui a d'ailleurs empêché ce dernier de répondre à beaucoup de nos questions…

Pour ne prendre qu'un exemple, significatif mais inquiétant : dans le projet annuel de performances (PAP) annexé au projet de loi de finances pour 2018, la scolarisation des élèves allophones n'est évoquée qu'une fois, page 64, et les deux dispositifs cités – les classes d'initiation (CLIN) et les cours de rattrapage intégrés (CRI) – ont normalement disparu depuis cinq ans !

Un bilan approfondi doit donc être mené, à l'image de ce qui avait été fait en 2009 dans le cadre du rapport conjoint de l'Inspection générale de l'éducation nationale (IGEN) et de l'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR), afin de refonder cette mission essentielle de l'école de la République.

Monsieur le ministre, quelle est votre appréciation sur ce dispositif ? Fonctionne-t-il correctement ? Nous estimons, malgré la faiblesse des données statistiques, que le nombre d'enfants concernés a augmenté de près de 20 % ces dernières années. Confirmez-vous cette évaluation ? Certains enfants attendent parfois plusieurs mois avant d'être affectés en collège ou en lycée, ce qui n'est pas acceptable, en particulier quand il s'agit de mineurs isolés. Comment réduire les délais ?

En 2009, les inspections de votre ministère avaient conduit un remarquable travail d'analyse du dispositif existant. Ne pensez-vous pas nécessaire de commander un nouveau rapport pour faire le bilan des réformes de 2012 et préparer au mieux l'avenir ?

Enfin, considérez-vous que votre ministère est suffisamment associé aux différents plans de relocalisation ou de répartition des migrants ?

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