Madame Kuric, je vous remercie pour vos propos liminaires. Vos deux premières questions ont un point commun : leur dimension interministérielle. L'amélioration qualitative de ces dispositifs tiendra à la qualité du travail interministériel et à la bonne articulation des objectifs et des moyens. C'est vrai pour la santé scolaire, puisque nous travaillons en liaison avec le ministère de la santé, mais également pour votre deuxième question, avec le ministère du travail.
Les moyens de la médecine scolaire sont importants : 687 millions d'euros, dont 681 millions d'euros au titre de la rémunération des personnels de santé. Comme souvent dans notre ministère, la part des rémunérations est écrasante. Nous devons améliorer ce point.
L'école a une double mission : le suivi de la santé des élèves et l'éducation à la santé. J'ai été interrogé sur ce point la semaine dernière, lors des questions au Gouvernement, et ai répondu brièvement. Cette double mission doit être renforcée au cours des prochaines années, tout d'abord en améliorant le suivi de la santé des élèves. Ce point est absolument décisif, y compris sur les plans pédagogique et éducatif : il est important de détecter les problèmes médicaux le plus tôt possible. Or la situation de la France n'est pas bonne, ne serait-ce que parce que les règles existantes ne sont pas pleinement appliquées. Je pense tout particulièrement à la visite médicale des six ans, qui n'est pas une réalité pour tous les élèves de France.
Nous en avons donc fait une priorité, avec Agnès Buzyn, ministre de la santé. Nous voulons réussir à systématiser cette visite dès 2018. Comme vous le savez, le problème n'est pas budgétaire. Il est lié au fait que la profession de médecin scolaire n'est pas assez attractive. Les postes ne sont donc pas tous pourvus, depuis de nombreuses années. Nous sommes en cours de définition d'une stratégie multidimensionnelle. Mais les résultats ne seront pas visibles tout de suite car nous n'avons pas de solution miracle.
Pour autant, des améliorations sont rapidement possibles. Ainsi, la profession de médecin scolaire pourra être choisie directement à la sortie de l'internat, ce qui évidemment favorisera une croissance progressive. Mais nous comptons surtout sur la mobilisation de médecins non scolaires auprès des médecins scolaires. Nous aurons des discussions approfondies avec les organisations représentatives des médecins et des infirmières, afin de disposer d'un système au service des élèves. Cette visite médicale n'est d'ailleurs pas exclusive d'actions avant l'âge de six ans, puisque les troubles auditifs et oculaires, en particulier, doivent faire l'objet de la plus grande attention dès l'entrée à l'école, si l'on veut que les enfants prennent un bon départ.
Parallèlement, l'éducation à la santé prend une dimension de plus en plus importante, du fait des phénomènes de société qui caractérisent notre pays, comme la plupart des autres pays. Il est nécessaire d'éduquer à la nutrition et à la sexualité. Il faut également protéger les enfants contre les pratiques addictives, de plus en plus nombreuses, avec le développement de phénomènes liés à internet en particulier. Devant l'Assemblée nationale, j'ai déjà évoqué le problème de la diffusion croissante de pornographie auprès des plus jeunes via les smartphones. Ce n'est vraiment pas acceptable et cela doit nous alerter. Nous devons agir et avons l'ambition d'interdire les smartphones à l'école primaire, bien entendu, mais aussi au collège.
Nous devons par ailleurs organiser la prévention, notamment en renforçant la formation aux premiers secours, comme le ministre de l'intérieur l'a indiqué récemment. Le parcours éducatif de santé est l'outil adéquat : il prépare les élèves à prendre soin d'eux-mêmes et des autres. Le mot d'ordre est clair : respecter autrui, c'est se respecter soi-même. Au travers de ce parcours sont abordées la question du corps chez les enfants, la pratique sportive et la prévention de l'obésité – à laquelle j'attache beaucoup d'importance.
Pour conclure sur ce point, l'amélioration de l'efficacité de ces mesures passe par la communication avec les parents d'élèves. La relation entre l'école et les parents doit être améliorée en France où elle constitue un point de faiblesse. Je souhaite à cet égard renforcer un dispositif qui a évolué avec plusieurs gouvernements : la « Mallette des parents ». Elle permet d'organiser des réunions en petits groupes avec les parents d'élèves, notamment en début d'année et dans les zones en éducation prioritaire. Cela permet de développer la coéducation et de sensibiliser les parents à l'ensemble de ces sujets. Si l'école diffuse un message et que le message au sein de la famille est trop différent, cela n'a aucun sens. Il faut partager cette mobilisation du monde adulte au service des enfants.
La « Mallette des parents » aura également une autre vertu : en consacrant à ces problématiques des heures avec les parents et les élèves, nous recentrerons le temps de l'élève sur l'apprentissage des savoirs fondamentaux, « lire, écrire, compter, respecter autrui ». De belles perspectives se présentent donc à nous en matière de santé à l'école.
La formation initiale et continue des professeurs est le déterminant fondamental du système scolaire. La qualité d'un système scolaire s'évalue grâce à différents facteurs, notamment la capacité de décision des acteurs sur le terrain, mais les études internationales soulignent toutes que les deux premiers facteurs sont la formation initiale et continue des professeurs et la relation parents-école.
Il faut donc y être particulièrement attentif. Je gère la formation initiale des enseignants en liaison étroite avec ma collègue ministre de l'enseignement supérieur. Sur ce sujet, contrairement aux autres, elle est en amont, et moi en aval. L'employeur, c'est-à-dire l'éducation nationale, doit avoir un rôle beaucoup plus important dans la définition de ce qui est souhaitable pour les classes car, à la fin, notre objectif conjoint est de disposer de professeurs bien formés.
Des évolutions et des réformes vont être entreprises, dont nous aurons l'occasion de discuter au cours des prochaines semaines. Sur ce sujet comme sur les autres, les moyens doit être au service des fins. Et ces fins doivent être mieux définies.
Le pré-recrutement constitue un aspect essentiel – avec une dimension budgétaire – des améliorations que nous souhaitons. Il peut, je crois, faire consensus dans notre pays. Sa logique n'est pas nouvelle puisqu'elle était déjà présente sous de précédents gouvernements. Je souhaite simplement approfondir la démarche, notamment par une évolution de la fonction des assistants d'éducation, qui sont une richesse de notre pays. Ces 50 000 personnes sont d'ailleurs mobilisées dans le cadre de l'opération « Devoirs faits », ce qui est un premier pas.
Certains peuvent se destiner à la fonction de professeur ; j'espère que ce sera un jour le cas de l'immense majorité d'entre eux. Aujourd'hui, quand on se destine à être professeur, être assistant d'éducation pose plus de problèmes que cela ne présente d'avantages, car le temps passé au collège n'est pas reconnu. De jeunes étudiants doivent pouvoir, dès la première année, de manière coordonnée avec l'université, être assistants d'éducation dans des établissements pour devenir professeurs. Ce sera l'objet de réformes, mais nous pouvons déjà avancer très pragmatiquement dans cette direction.
Dans le cadre des grands investissements, je suis très heureux de la sélection de projets de recherche, d'innovation pédagogique et de partenariats internationaux qui seraient portés par des établissements de pointe. Une dotation de 35 millions d'euros est prévue, et un appel à projets sera lancé pour que nous puissions être à l'avant-garde. Sur ce sujet, comme sur d'autres, nous devons évidemment ouvrir nos fenêtres, regarder ce qui se passe dans le monde, sortir de certains débats franco-français. Certains pays ont progressé pour avoir mis en oeuvre un certain nombre de choses ; faisons de même et devenons nous-mêmes un modèle en matière de formation des professeurs. Nous avons quelques idées assez précises pour y parvenir. Nous sommes en train de nous en donner les moyens avec cet investissement, dans la durée, de 35 millions d'euros. Cette sorte de pointe avancée de la formation initiale servira de locomotive pour l'ensemble du système français.
La formation continue est plus directement gérée par mon ministère. Notre plan national de formation doit être amélioré. Nous pouvons progresser d'un point de vue qualitatif, mais aussi en nous donnant plus de moyens. Il faut davantage de formation continue dans notre système scolaire, organisée autrement ; 95 millions d'euros y sont donc consacrés en 2018, et je souhaite effectivement aller encore plus loin dans les prochaines années. Le Président de la République a parlé de trois jours de formation au moins pour chaque professeur. L'un des problèmes de notre système est que souvent les mêmes professeurs sont en formation, mais le constat ne vaut pas que pour les professeurs : en France, la formation continue profite souvent aux mêmes. Nous devons faire évoluer le système.
La question de l'alternance présente une dimension interministérielle. Aussi, pour la première fois, la ministre du travail et le ministre de l'éducation nationale mènent-ils ensemble une concertation en vue d'une action coordonnée. Très prochainement, nous lancerons une mission sur l'enseignement professionnel. L'objectif est encore une fois de dépasser des clivages stériles. N'opposons pas enseignement professionnel et apprentissage ; il faut au contraire un renforcement quantitatif et qualitatif et une articulation bien plus forte des deux. C'est le sens des concertations commencées. Nous pouvons nous donner rendez-vous dans quelques mois : au début de l'année 2018, les concertations et sur l'apprentissage et sur l'enseignement professionnel seront terminées et nous pourrons progresser vers plus d'efficacité au service de l'insertion professionnelle réelle de nos jeunes. Nous avons des orientations claires à l'esprit, que nous avons commencé à indiquer, mais les modalités de leur mise en oeuvre résulteront des concertations.
Monsieur Sorre, effectivement, la question de l'accueil des élèves allophones est extrêmement importante et a pris une dimension nouvelle ces derniers temps, du fait du nombre d'élève concernés. Et nous devrions en effet, pour une meilleure gestion, être davantage associés à la politique de répartition des nouveaux arrivants. Est-ce que cela fonctionne bien ? Ma réponse est évidemment mitigée. Je ne fais que reprendre ce que vous avez dit : notre système sait, grâce à l'expérience et à l'implication de certains, faire face à ce phénomène, mais, en certains endroits, cela ne suffit pas. De nouvelles modalités de gestion sont donc nécessaires. Nous allons y travailler, et, suivant votre proposition, je lancerai une nouvelle mission d'inspection qui analysera la situation pour nous permettre d'avancer. À très court terme, sans attendre les conclusions du rapport, nous travaillerons davantage encore avec le monde associatif. Il s'agit d'être plus efficace et parfois de régler des situations très particulières. Le monde associatif y parvient parfois plus habilement que nous ne le faisons. Nous retrouvons ici la notion d'associations participant au service public, évidemment avec un cahier des charges. N'attendons donc pas le rapport pour progresser en ce qui concerne la répartition des élèves concernés, les méthodes pédagogiques et le lien entre le monde associatif et le système scolaire.