Si l'examen de cet article nous amène évidemment à évoquer souvent les critères de pénibilité, on touche aussi là à votre conception de la liberté. La liberté à laquelle tend ce projet de loi est celle des plus riches de s'enrichir indéfiniment, tandis que tous les autres sont acculés à donner tout de leur vie pour tenter de la gagner. C'est particulièrement vrai de certains indépendants comme les Uber. Selon votre conception de la liberté, être flexible ou travailler pour une plateforme telle qu'Uber, ce serait ça, la modernité. Or cette modernité se traduit par l'abaissement de l'être humain, dans un monde où l'emploi se transforme chaque jour un peu plus en marchandise, où les savoir-faire sont méprisés.
Mon collègue Bruneel a évoqué le cas des aides à domicile, ces femmes qui travaillent quelques heures par jour de manière fragmentée, avec des temps de déplacement qui peuvent être très longs, souvent en transports en commun, et qui ne leur sont pas comptés. La plupart du temps elles doivent partir très tôt de chez elles et revenir très tard, et il est souvent compliqué pour elles de s'occuper de leurs enfants – c'est vrai également pour les hommes, et nous aspirons à ce qu'ils s'en occupent plus. On voit en tout cas à quel point leur vie est façonnée par l'objectif de rentabilité et combien celui-ci pompe leur énergie vitale.
Avez-vous une autre promesse à leur faire que celle qui consiste à leur expliquer que l'État ne leur apportera aucune garantie, qu'il n'interviendra jamais pour elles et pour eux, qu'il n'est là que pour garantir des droits aux plus riches ?