Il me semble très important de débattre du sens des mots avant d'aborder la suite du texte, qui entrera dans le détail des choix qui seront faits pour atteindre les objectifs affichés à l'article 1er. Je profite d'ailleurs de l'occasion pour demander à nouveau à M. le secrétaire d'État de nous éclairer sur la façon dont il a pris en considération l'avis du Conseil d'État.
Pour en revenir à la question de l'équité, je rappelle, monsieur Martin, que l'Académie française la définit comme une « disposition de l'esprit consistant à accorder à chacun ce qui lui est dû », et non « selon ses besoins », comme vous l'avez prétendu. Ce n'est pas la même chose.
Toute la question, en effet, est là : qu'est-ce qui est dû à chacun ? Quelle est la norme ? La loi a précisément pour objet de définir une règle normative définissant ce qui est dû à chacun. Nous affirmons qu'en raison du flou que vous entretenez, le salarié ne saura pas, en fin de compte, ce qui lui est dû – d'où le débat subséquent sur la définition de la valeur du point.
Comprenez donc bien que, derrière le débat sémantique, se noue un enjeu fondamental. Le groupe La France insoumise reste attaché au principe normatif d'égalité, qui est un principe républicain – que certains des collègues qui mènent avec nous la bataille contre la réforme des retraites aient pu, lorsqu'ils étaient en responsabilité, user déraisonnablement du mot « équité » est une autre question.
Fondamentalement, le principe d'équité est bien souvent une rouerie, une astuce pour éviter de garantir l'égalité. L'équité, en réalité, crée une inégalité, toute la question étant de savoir comment cette inégalité est corrigée. Si l'on décide que tous n'auront pas la même chose mais qu'une correction interviendra pour prendre en considération la réalité de chacun, il faut définir cet outil de correction. Entendez ce raisonnement intellectuel, il est important : l'équité, par nature, proclame que la même chose ne sera pas donnée à chacun. Il reste donc à savoir, précisément, ce qui sera accordé à chacun. C'est un débat fondamental.
Admettez donc que la définition à l'article 1er des principes qui cadrent le projet de loi éclairera toute la suite de la discussion : ce n'est pas une perte de temps.