Nous réalisons d'abord une étude sur les habitudes de consommation des Français. Il s'agit de grandes enquêtes réalisées sur l'ensemble du territoire national sur la base d'un échantillon statistique de la population. À partir de ces habitudes alimentaires, nous identifions les aliments qui sont consommés et nous les regroupons par catégories afin d'illustrer la réalité de la consommation des Français. Cela nous permet de mesurer les résidus de produits chimiques auxquels nos concitoyens sont exposés. L'analyse d'autres dispositifs de vigilance comme la phytopharmacovigilance nous donne un feedback des autorisations de mise sur le marché. Au besoin, nous pouvons réviser les évaluations de risques au regard de l'exposition telle qu'elle est réellement constatée.
Le rapport de 2019 a donc conclu à l'absence d'alerte sanitaire, ainsi qu'à la nécessité de renforcer les recherches sur le potentiel toxicologique de ces substances, de surveiller les éventuels effets sanitaires qui se manifestent sur le terrain et d'étendre la vigilance à l'échelle européenne et internationale. Depuis janvier 2019, l'ANSES s'est consacrée à mettre en oeuvre ces recommandations.
Concernant l'exploration d'éventuels effets sanitaires, nous avons sollicité l'INSERM, qui révise actuellement son expertise collective « pesticides et santé » de 2011. Nous lui avons demandé d'inclure un volet sur les SDHI. Le rapport final de l'expertise collective de l'INSERM devrait être disponible fin avril.
Nous avons échangé avec des chercheurs sur le type de recherche qui pourrait être financée afin de diminuer l'incertitude sur la toxicité des SDHI. Nous finançons une étude à hauteur de 450 000 euros, sur notre budget, pour explorer les données des registres nationaux du paragangliome héréditaire, qui est lié une mutation des gènes SDH.
Nous finançons également deux programmes de recherche qui visent à préciser les modes d'action des SDHI et à développer une matrice sur les substances toxiques pour la mitochondrie. Avec AGRICAN, nous disposons d'une cohorte d'agriculteurs qui nous permet de surveiller l'épidémiologie de cette population.
Nous avons renforcé les contrôles concernant l'exposition des populations par des collectes de données via notre programme de phytopharmacovigilance créé par la loi de 2014. Des études sont en cours sur la surveillance de la contamination de l'air, du sol et de l'alimentation. Ces études, qui concernent tous les pesticides, prennent en compte spécifiquement les SDHI.
Tout ceci prouve que nous ne sommes pas restés sans rien faire. Nous avons besoin des lanceurs d'alerte.
Parallèlement, l'agence s'est auto-saisie à deux reprises : d'une part sur les effets agrégés de l'exposition à l'ensemble des substances SDHI par les différentes voies d'exposition (alimentaire, respiratoire) ; d'autre part, nous avons relayé le signalement au niveau européen et international, de manière à vérifier si des alertes allant dans le même sens avaient déjà été émises. Une substance active est en cours de réévaluation, tandis que trois nouvelles substances actives SDHI sont en cours d'examen au niveau communautaire. Nous avons alerté les États-membres qui évaluent ces substances de l'hypothèse avancée par le groupe de Monsieur Rustin. Nous en tiendrons évidemment compte dans la revue qui sera faite.
À ce jour, que ce soit en France ou ailleurs, aucun élément n'est venu confirmer l'existence d'une alerte sanitaire qui pourrait conduire au retrait des autorisations de mise sur le marché des produits qui contiennent ces substances actives. L'agence est extrêmement rigoureuse sur ce point. Elle assoit son évaluation sur des faits scientifiques. Aujourd'hui, nous avons un nombre très limité d'articles provenant d'une équipe. Aucune autre alerte n'a été lancée. Or le croisement des sources est la base de l'expertise collective. Nous avons besoin d'autres approches.
La commission nationale de la déontologie et des alertes en santé publique et environnementale a produit un rapport qui aboutit à la conclusion suivante : « les informations rapportées dans cet article sont sujettes à discussion en raison des incertitudes expérimentales relevées. Le lien entre un effet inhibiteur des fongicides sur l'activité de la SDH et une induction de pathologie chez l'homme n'est pas recevable ».