Je vais très brièvement vous dire ce que je retiens de cette matinée d'auditions, qui est parmi les plus complexes que nous ayons eu à accueillir au sein de l'Office parlementaire scientifique.
L'explosion des maladies neurodégénératives et l'effondrement de la biodiversité sont des réalités qu'il faut regarder en face et qui posent des problèmes majeurs.
Je dresse également le constat d'une grande incertitude vis-à-vis de nombreux mécanismes, qu'ils soient chimiques, biologiques ou médicaux. De l'extérieur, nous avons l'impression que l'incertitude augmente en matière de biologie. Tout paraît compliqué, y compris sur des questions de biologie animale. Ce qui semblait simple il y a quelques décennies apparaît maintenant d'une grande complexité.
Nous ne pouvons pas ignorer les effets cocktails. Pour autant, il est très difficile de mettre au point des procédures qui permettent de les aborder.
Il existe différentes approches : in vivo, in vitro, études épidémiologiques. In fine, l'étude épidémiologique apparaît comme la plus satisfaisante et la plus fiable, sauf qu'elle coûte beaucoup plus cher. De plus, elle est effectuée a posteriori, ce qui n'est pas satisfaisant. Nous avons besoin des trois approches car elles agissent sur des échelles de temps différentes. Nous avons l'impression qu'une partie de la confusion dans le débat public au sujet des SDHI vient de la tension entre approches in vivo ou in vitro et approche épidémiologique. Cela fait également partie des différences d'appréciation entre agences européennes et agences américaines. Tout ceci a des conséquences sur l'organisation et les moyens. Par rapport à une équipe de recherche comme celle de Pierre Rustin, l'ANSES dispose de moyens très importants. Par rapport aux besoins d'études épidémiologiques indépendantes, l'ANSES dispose de moyens très réduits par rapport aux industriels.
Il convient de distinguer les dangers et les risques.
Les procédures qui ont été mises en place insistent sur le volet toxicologie ; elles insistent moins sur les questions environnementales.
Les procédures sont à revoir. L'ANSES a pris acte sans aucune difficulté de ce que les travaux de Pierre Rustin montraient, à savoir qu'il existe des tests à prendre en compte pour la toxicologie, y compris in vitro, qui ne sont pas dans les procédures déjà établies. Quoi qu'il arrive, il y a donc matière à faire évoluer les tests in vitro par rapport aux procédures d'évaluation des risques.
Nous avons entraperçu la difficulté à voir ce qui arrive vraiment aux consommateurs. Les études sur l'alimentation totale sont complexes et coûteuses.
Le besoin de disposer de moyens pour réaliser des recherches indépendantes a été rappelé. Nous avions déjà eu l'occasion d'en parler dans le rapport relatif au fonctionnement des agences d'évaluation. Nous ne pouvons pas tout refaire de manière indépendante. En revanche, sur les débats de société importants ou les questions particulièrement sensibles, il est nécessaire que la puissance publique puisse commander des expériences indépendantes dans lesquelles les questions de conflits d'intérêts ne laissent pas planer le moindre doute. Je m'inscris dans cette conclusion de manière forte.
Sur la question de l'interdiction des pesticides, ce serait une erreur que de tout ramener aux procédures déjà en cours et à leur évaluation scientifique. Il faut savoir prendre les décisions sur la base d'arguments sociétaux et politiques chaque fois que les circonstances le suggèrent. Si nous devons réduire notre usage de pesticides de manière considérable, c'est également sur la base de choix sociétaux.
J'ai un regret : nous n'avons pas suffisamment pris en compte la question du bénéfice potentiel des SDHI. Pour des raisons commerciales, il arrive que l'impact positif potentiel d'un produit soit exagéré. N'importe quel choix de société repose sur des analyses bénéfices-risques. Nous avons beaucoup parlé de risques, et quasiment pas de bénéfices. Les bénéfices n'ont pas été démontrés aujourd'hui, peut-être parce que nous n'avons pas conçu l'audition de cette manière.
Si on regarde les choses objectivement, on constate qu'il est nécessaire de faire évoluer les procédures, de continuer à faire de la recherche et de donner davantage de moyens aux agences comme l'ANSES. Pour l'heure, nous voyons bien les risques. En revanche, les bénéfices ne sont guère démontrés.