Intervention de Franck Riester

Réunion du mardi 18 février 2020 à 17h35
Commission des affaires étrangères

Franck Riester, ministre de la culture :

Ce que nous voulons faire en créant ce groupe public que sera la holding France Médias, ce n'est pas copier tel ou tel modèle européen ou britannique, mais nous appuyer sur la force de l'audiovisuel français public pour bâtir un groupe permettant de répondre aux défis de l'audiovisuel, notamment public, face à la révolution numérique, qui a entraîné à son tour une révolution des usages.

Nous devons donner la possibilité aux entreprises de l'audiovisuel public de s'adapter, elles aussi, à cette révolution des usages, en ayant une vision stratégique globale tournée vers la diversité des publics. De fait, nos compatriotes regardent de plus en plus la radio, écoutent de plus en plus la télévision et ont accès aux contenus audiovisuels sur des supports de plus en plus variés – plus seulement le poste de télévision mais aussi, désormais, les smartphones et les tablettes – quand ils le veulent et d'où ils le veulent.

Les groupes publics en Europe, et les groupes privés en Europe et dans le monde, notamment en France, se sont adaptés à cette révolution numérique en constituant des groupes où la télévision, la radio et le numérique sont pensés avec leurs spécificités respectives. Cependant, si l'on dispose d'une vision globale et stratégique de l'approche des publics, cela permet de répondre plus facilement d'une façon à la fois opérationnelle et efficace aux attentes de ces publics, quels que soient les supports et les types de diffusion des contenus audiovisuels.

Bien sûr, l'audiovisuel extérieur a ses propres spécificités, mais ce que nous essayons de faire, c'est permettre à France Médias Monde, grâce à des synergies et des économies d'échelle avec les autres entreprises de l'audiovisuel public, de proposer des contenus à plus de personnes dans le monde, et des contenus qui les toucheront davantage. C'est le résultat auquel sont parvenus les groupes qui, en Europe et dans le monde, ont su procéder à ce rapprochement et à cette consolidation.

J'évoquais ce matin la question avec les patrons de ces grandes entreprises européennes d'audiovisuel public, notamment le patron de la BBC et de BBC World, qui disait bien que BBC World bénéficie énormément des contenus provenant des BBC nationales. Je ne parle pas des fictions, puisque ce contenu n'est pas adapté à France 24, mais bon nombre de contenus d'information sont ultra-bénéfiques à BBC World. De même, BBC World est très bénéfique aux chaînes nationales de BBC, parce que le regard spécifique de BBC World est très utile pour décrypter l'actualité et éclairer les Britanniques sur le monde. La meilleure façon de défendre l'audiovisuel extérieur de la France, c'est donc de l'adosser à un groupe public puissant, et non de le laisser isolé, même en lui accordant progressivement des moyens complémentaires.

Évidemment, il ne faut pas que l'audiovisuel extérieur de la France soit considéré comme une variable d'ajustement du reste du groupe public : je suis tout à fait conscient qu'il s'agit là d'un principe essentiel, méritant d'être garanti en plusieurs points. La première des garanties à apporter en la matière est celle de la gouvernance, un aspect que je suis tout disposé à examiner avec vous dans le détail, étant, pour ma part, convaincu de la nécessité de s'assurer que cette gouvernance tient compte d'une vision internationale de l'audiovisuel public. Je précise que c'est déjà le cas, puisque le conseil d'administration de la société holding du groupe comprendra un représentant du ministère des affaires étrangères, comme il y en a un au sein du conseil d'administration de France Médias Monde.

S'il faut aller plus loin dans la désignation par le Parlement des personnalités qualifiées, tant dans la holding que dans le conseil d'administration de France Médias Monde, en prenant en compte la vision de la commission des affaires étrangères, je suis tout à fait disposé à examiner cela avec vous. Travailler à une solution permettant de tenir compte des propositions autant des membres de la commission des affaires culturelles que de ceux de la commission des affaires étrangères devrait permettre de rassurer celles et ceux qui, comme vous, sont attentifs à la place de l'audiovisuel extérieur dans le groupe public.

Concernant les moyens, une convention stratégique pluriannuelle (CSP) – qui se substituera au contrat d'objectifs et de moyens – passée entre l'État et le groupe France Medias définira pour chaque filiale le cadre budgétaire pluriannuel et précisera la répartition prévisionnelle des ressources affectées par la société mère. Elle garantira ainsi une visibilité financière, tout en permettant à France Médias d'exercer pleinement son rôle à la tête du groupe nouvellement constitué.

La représentation nationale sera évidemment pleinement associée au dispositif ; vous pourrez ainsi exercer le contrôle que vous souhaitez sur France Médias et vous assurer que la place de l'audiovisuel extérieur n'est pas en retrait dans le groupe public. Avant sa signature, la CSP sera soumise pour avis aux commissions parlementaires chargées des affaires culturelles et des affaires étrangères, qui pourront ainsi faire valoir les ajustements qu'elles estimeront nécessaires. Chaque année de la période couverte par la convention, le Parlement sera informé de son exécution et de la justification des écarts constatés.

S'agissant de l'idée d'un plancher d'attribution des ressources issues de la contribution à l'audiovisuel public (CAP), évoquée par plusieurs d'entre vous, j'y suis totalement défavorable, parce que ce serait en parfaite contradiction avec les objectifs poursuivis. La création du groupe public vise à réaliser des économies d'échelle et des synergies en regroupant, à terme, l'immobilier, les systèmes d'information, la régie, la formation, ce qui suppose la modification des périmètres financiers des différentes sociétés du groupe. Il serait donc malvenu de les figer ou de les bloquer. La liberté éditoriale de chaque antenne sera, quant à elle, maintenue, même si les lignes éditoriales feront l'objet d'une coordination stratégique au sein du groupe.

Je suis prêt à examiner toute autre solution, mais je ne peux que m'opposer farouchement à une proposition qui viendrait totalement contrecarrer la puissance du groupe public d'avenir que j'appelle de mes voeux.

En revanche, à l'instar de Jean-Yves Le Drian, je suis favorable au versement à France Médias Monde d'une part de l'aide au développement pour des projets ciblés adossés à une stratégie bien identifiée. Il reste à voir de quelle manière formaliser cette possibilité pour amplifier l'effort en matière d'audiovisuel extérieur.

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