L'aide publique au développement est effectivement un sujet important, et le Président de la République l'a mis au coeur de ses priorités. J'ai par ailleurs la chance de rapporter sur un budget en hausse qui, nous l'espérons, le restera dans les années à venir.
Il convient de préciser encore une fois qu'il ne s'agit pas de rapporter le budget de l'aide publique au développement, mais bien la mission du même nom, soit un montant d'environ 2,7 milliards d'euros et qui rassemble deux programmes, le 209 piloté par le Quai et le 110 par le Trésor, ce qui pose déjà un problème sur lequel je reviendrai.
24 autres programmes, comptabilisés par la coopération décentralisée afin d'établir des comparaisons internationales et des comparaisons dans le temps, composent l'aide publique au développement. Ces programmes sont pilotés par presque tous les ministères, qui en quelque sorte font ainsi, tous, de l'aide publique au développement. On compte notamment parmi ces actions l'écolage, qui relève du ministère de l'Éducation nationale, ou des dépenses liées à l'accueil des réfugiés.
Vous connaissez l'engagement de la communauté internationale sur l'objectif de 0,7 % du RNB consacré à l'aide, que seuls sept État respectent aujourd'hui. L'Allemagne a atteint cet objectif essentiellement grâce à l'accueil des migrants, et a ainsi rejoint un club de petit pays auquel s'est récemment ajouté le Royaume Uni.
Il faut aussi ajouter à ces budgets le Fonds de Solidarité pour le Développement, alimenté par les recettes issues de la taxe sur les transactions financières et de la taxe sur les billets d'avion.
L'ensemble de cers 24 programmes est ce que l'on appelle la politique transversale « Solidarité en faveur des pays en développement ». Ce dont je suis chargé correspond à environ 2,7 milliards d'euros, en augmentation d'environ 100 millions d'euros pour une trajectoire d'augmentation pluriannuelle beaucoup plus ambitieuse. Les autorisations d'engagement sont cependant en augmentation de 250 millions d'euros, ce qui permettra à l'AFD d'accroître ses engagements dans les prochaines années.
Il m'a paru important de mettre en avant dans le rapport les éléments suivants.
Il faut faire à la fois plus et mieux en matière d'aide publique au développement. Vous connaissez les priorités du président de la République, rappelées par le ministre, avec notamment un rééquilibrage du bilatéral et du multilatéral. Depuis une dizaine d'années, le déséquilibre s'est accentué, et cela n'a pas été le fruit d'un choix politique en faveur du multilatéral. Un tel choix aurait pu s'expliquer par la volonté d'atteindre les objectifs communs fixés par la communauté internationale. Une politique publique internationale est en train de naître, ce qui est une bonne chose, même si nos engagements internationaux peuvent aussi être atteints par l'aide bilatérale.
La baisse du bilatéral est simplement due au fait que la baisse de l'aide publique au développement devait épargner le multilatéral parce que ce dernier correspond souvent à des engagements pluriannuels, alors même que depuis une dizaine d'années, les engagement de la communauté internationale sont devenus plus importants, ce qui se manifeste notamment avec l'adoption récente des Objectifs du Développement durable.
Il faut maintenir notre stratégie multilatérale qui fonctionne bien. Faire plus de bilatéral ne signifie pas qu'il faille diminuer l'action multilatérale, qui a permis de grands progrès, par exemple dans la lutte contre le Sida et paludisme.
Les priorités affichées aujourd'hui ne sont cependant pas en adéquation avec les moyens que nous y consacrons, et la place singulière de la France est en décalage avec la réalité des chiffres.
Par exemple, la facilité pour la lutte contre les vulnérabilités et la réponse aux crises, mise en place il y a un an par l'AFD, s'élève à 40 millions par an par État concerné, sur un sujet qui doit être une priorité de la France. Entre les « trois D », diplomatie, défense et développement, il y a dans la politique française un décalage que ne connaissent pas d'autres pays, même s'ils n'en ont pas fait autant que la France en matière militaire.
L'Allemagne a ainsi proposé de consacrer 500 millions d'euros à un fonds concernant le Sahel à condition que la France en fasse autant, ce qui n'a pas été possible.
Il ne faut cependant pas caricaturer les choses. Le multilatéral peut aussi être orienté vers nos priorités, ce qui pourrait, par exemple, être un peu plus le cas en ce qui concerne la Banque mondiale si nous n'étions pas le seul État ayant un représentant unique partagé entre la Banque mondiale et le Fonds monétaire international.
De même, quand on fait du bilatéral, on peut le faire en vue d'honorer nos engagements internationaux. L'aide bilatérale ne sert pas nécessairement à mettre un drapeau français sur nos projets.
La deuxième priorité est celle du rééquilibrage entre dons et prêts. Les dons ont également fait office de variable d'ajustement. Il y a aujourd'hui un déséquilibre important en faveur du prêt. Le Royaume-Uni est presque dans la relation inverse.
Cela pose un problème compte tenu de nos priorités géographiques, l'Afrique subsaharienne et le Sahel, et sectorielles, l'éducation et la santé. Le prêt est un outil moins adapté à ces pays qu'aux pays émergents. Par ailleurs, les prêts sont très utiles en matière d'infrastructures, mais pour l'éducation ou la santé, le don est plus pertinent.
Le budget aujourd'hui n'est donc pas à la hauteur de l'ambition française et il faudra donc veiller à ce que soit respectée la trajectoire fixée par le président de la République, avec notamment l'objectif d'atteindre 0,55 % du RNB en 2022 et 0,7 % en 2025.
Le contexte international pousse à faire plus. On demande davantage à l'aide publique au développement que ce qu'on lui demandait auparavant. Il s'agit non seulement de réduire la pauvreté, mais aussi de construire une croissance plus durable et de lutter contre les dérèglements climatiques. C'est l'objectif de la France et c'est la raison pour laquelle l'AFD affiche 50 % de projets comportant des co-bénéfices climat.
On se souvient de l'échec de Copenhague. Les pays en développement faisaient valoir qu'ils subissaient les conséquences de notre industrialisation et voulaient une compensation s'ils devaient participer eux-mêmes à l'effort de lutte contre les dérèglements climatiques.
L'accord de Paris joue ici un rôle essentiel, avec notamment l'engagement de François Hollande d'arriver en 2020 à porter la contribution française aux financements climat à 5 milliards d'euros. La question est bien sûr celle du mode de comptabilisation : va-t-on y inclure les actions à co-bénéfice climat, auquel cas nous y serions sans doute déjà ? Il est important que les pays concernés fassent l'effort requis.
Troisième point : pour faire mieux, il faut assumer des priorités géographiques et sectorielles, comme je l'ai dit. Aujourd'hui, à côté des 9 milliards d'euros annuels d'aide publique au développement, la facilité Sahel s'élève à 40 million d'euros par État concerné. Elle va passer à 100 million d'euros grâce à l'amendement que nous avons voté qui attribue 270 millions d'euros directement des recettes des taxes innovantes à l'AFD.
Le point suivant concerne les territoires, auxquels la priorité doit être donnée. Il y a à la fois la coopération décentralisée, souvent accusée de saupoudrage et d'absence de stratégie, ce qui n'est d'ailleurs pas forcément gênant, mais aussi le rôle des territoires destinataires qui doivent être pris en compte par les bailleurs en tenant compte du formidable mouvement de décentralisation en oeuvre en Afrique et du caractère très intégré des ODD. La France est très en avance sur ce sujet puisque l'AFD travaille en direct avec les collectivités territoriales des pays destinataires. Quand ce sont les maires qui mobilisent la société civile et les représentants de l'État, cela accroît significativement l'efficacité de notre aide. La métropole de Lyon travaille depuis longtemps avec Ouagadougou, et quand on conduit un programme d'assainissement dans cette ville, il vaut mieux travailler en direct avec la municipalité.
Enfin, le dernier point concerne le pilotage. il y a sur ce point l'unanimité. Cela ne convient pas que l'aide publique au développement soit partagée entre deux ministères, c'est-à-dire entre des gens qui ne travaillent pas ensemble. Cela pouvait s'expliquer en 1998, mais plus aujourd'hui. Il faut maintenant d'un côté des opérateurs comme l'AFD et Expertise France, et de l'autre un ministère qui rassemble les acteurs et formule une stratégie, avec une équipe de combat. La France est aujourd'hui très en retard, ce qui pourrait rapidement devenir problématique.