Intervention de Buon Tan

Réunion du mercredi 25 octobre 2017 à 16h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBuon Tan, rapporteur :

La situation de notre commerce extérieur est alarmante. Il faut faire des réformes : simplifier les dispositifs d'appui ; libérer le potentiel de nos entreprises par des mesures flexibilité de ces dispositifs ; trouver de nouveaux leviers pour l'export.

Le déficit sur les biens, qui s'était réduit de 2011 à 2015, augmente à nouveau : 45 milliards d'euros en 2015, 49 en 2016, plus de 60 sur l'année glissante juillet 2016-juin 2017. De plus, ce déficit sur les biens n'est plus compensé en partie par l'excédent sur les services, qui oscillait traditionnellement entre 15 et 25 milliards d'euros et a disparu totalement en 2016.

Des facteurs conjoncturels expliquent à court terme certains mauvais chiffres : attentats qui ont découragé les touristes étrangers, mauvaises récoltes, grèves des raffineries et arrêts techniques des centrales nucléaires en 2016, remontée récentes des cours du pétrole et de l'euro, etc.

Il y a aussi des raisons structurelles à nos difficultés. Ces dernières années, la contribution du commerce extérieur à la croissance française a le plus souvent été négative, c'est-à-dire que le dynamisme de la demande intérieure est en partie mangé par la dégradation du solde extérieur. La capacité d'un pays à équilibrer son commerce extérieur dépend avant tout de la compétitivité globale de son économie, qui dépend de multiples facteurs : niveau des salaires et des autres coûts, qualité et gamme des produits, innovation, taille et organisation des entreprises, etc. Ce sont donc les grands choix de politique économique et sociale qui sont les plus déterminants et, à cet égard, l'ensemble des personnes que j'ai auditionnées ont reconnu que les réformes engagées ou annoncées sur le droit du travail, la fiscalité ou encore la formation vont dans le bons sens. L'image économique internationale de la France s'est grandement améliorée à la suite de l'élection du Président de la République.

Mon rapport concerne plus spécifiquement les dispositifs publics dédiés à l'accompagnement des entreprises à l'exportation. Des études économétriques montrent que ces dispositifs peuvent permettre de 5 à 70 euros, selon les études et les dispositifs, d'exportations par euro d'argent public, générant des emplois et des ressources publiques.

Le constat, lorsque l'on fait le tour de ces dispositifs en France, reste celui d'un « mille-feuilles » administratif et budgétaire. Les dispositifs se chevauchent et les entreprises les connaissent mal.

Il y a eu un effort de réforme sous le quinquennat précédent. En particulier, deux opérateurs puissants et professionnels ont été constitués en regroupant des organismes préexistants : Business France et Bpifrance. L'implication de notre réseau diplomatique avec ce que l'on appelle la diplomatie économique doit aussi être saluée.

Mais ces réformes se sont heurtées à la résistance des organisations en place et l'on n'est pas allé au bout de ce qui avait été engagé. Par exemple, on a cherché à pacifier les vieilles rivalités en demandant aux différents réseaux de passer des conventions, qui souvent sont restées des morceaux de papier sans effet.

La contrainte budgétaire a également joué. On a poussé Business France à développer ses prestations payantes au risque de décourager des PME et dans le même temps on veut maintenant passer de 125 000 à 200 000 entreprises exportatrices. On a aussi serré les vis de l'assurance prospection et le nombre d'entreprises concernées est passé de presque 4 000 à 2 000 de 2014 à 2016.

En fin de parcours, les dispositifs destinés à soutenir nos exportateurs forment toujours un mille-feuilles, avec pour conséquence que les entreprises les connaissent et les utilisent insuffisamment. Business France fournit des prestations à 10 000 entreprises par an, mais qu'est-ce au regard de 124 000 entreprises exportatrices, dont 30 000 primo-exportateurs ?

Pour ce qui est des crédits, il n'y a toujours pas de « budget » identifié du commerce extérieur et de la diplomatie économique. Il faut aller compiler des lignes dispersées dans six « missions » au sens budgétaire au moins.

Il n'y a pas non plus au Gouvernement de ministre du commerce extérieur. Il faut être conscient que ce poste ministériel fait partie de ceux qui ne sont pas seulement à usage interne : un ministre du commerce extérieur voyage, rencontre ses homologues. Pour obtenir des rendez-vous, il faut un titulaire en charge et peut-être un ministre plutôt qu'un secrétaire d'Etat.

Il y a dans le budget un point positif : il est prévu un effort spécifique pour développer le commerce avec l'Iran, avec une ligne de prêts dédiés de 500 millions d'euros destinée à suppléer la frilosité de nos banques commerciales à l'égard de ce pays.

La compilation des lignes concernant le commerce extérieur conduit aussi à un constat pour le moins surprenant : l'excédent du régime public d'assurance-crédit, qui devrait apporter à l'Etat une recette non fiscale proche de 600 millions d'euros en 2018, dépasse la totalité des charges budgétaires, qui serait de l'ordre de 400 millions d'euros. On peut donc dire que, budgétairement, la politique du commerce extérieur « rapporte ». Et cette situation d'excédent dure depuis vingt ans. Il faut regarder cela.

Autre point, je soutiens l'esprit de la réforme que veut proposer le nouveau directeur général de Business France, qui a été chargé d'une mission en ce sens par le Gouvernement. Il s'agirait de rapprocher les différents réseaux chargés d'assister les entreprises à l'export en construisant une co-entreprise reposant sur un CRM, c'est-à-dire un système de gestion de la relation client qui serait commun à tous les opérateurs. Dans ce cadre, chaque entreprise « cliente » pourrait être suivie par tous à tous les stades de son accompagnement export. Tout en s'inscrivant dans la durée, cet accompagnement pourrait donc passer par plusieurs opérateurs successivement.

Il me paraît également souhaitable de renforcer la visibilité du pavillon France à travers des initiatives de regroupement géographique des acteurs français, publics et privés, dans des « maisons de la France » comme il en existe à Pékin ou l'organisation d'événements « français » comme les semaines de promotion des produits alimentaires qui existent dans certains pays, par exemple le French May à Hong-Kong. Il faut démultiplier ces expériences. L'effort de fédération des filières à l'export, en particulier dans le secteur agro-alimentaire, devrait aussi être relancé. Je pense que l'on devrait expérimenter des « comptoirs français » qui permettraient aux PME-TPE une offre groupée pour rencontrer les acheteurs locaux et faire des envois groupés.

Je veux que ce rapport débouche sur des résultats. J'envisage trois amendements sur les crédits : l'un pour revenir sur la baisse d'environ 3 millions d'euros des crédits affectés à Business France ; un autre pour financer le CRM dont j'ai parlé ; enfin un plus modeste, ne représentant que 500 000 euros, pour financer une expérience de « comptoir français » comme je l'ai dit. Nos PME-TPE n'ont pas les organisations et les moyens d'exporter. Il s'agirait de les aider à rencontrer les acheteurs étrangers et de réaliser des expéditions groupées des produits.

Je signale enfin que mon rapport sera complété par un lexique des mots du commerce extérieur, afin qu'il soit plus accessible.

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