Je tiens à dire que c'est grâce à des militants écologistes en 1974 qui, dans leur plate-forme de revendication à Chalvet au nord de la Martinique, ont indiqué comme quatorzième ou quinzième point l'arrêt de l'usage du chlordécone. Ce sont des prédécesseurs de l'Assaupamar, une association très connue qui a tiré la sonnette d'alarme sur le risque de dangerosité. La place et le rôle des militants, syndicalistes ou autres, doivent être respectés car ce sont des lanceurs d'alerte qui nous permettent de modifier les choses.
Madame la ministre, je reviens sur une question. Vous semblez nous laisser croire que nous pourrions mettre en doute le caractère pluridisciplinaire de la problématique, la profondeur de l'apport de la recherche et la cohérence scientifique accumulée dans un domaine tel que celui-là. Ce n'est pas le cas, il n'y a pas de problème entre nous. La seule différence, c'est que ce sujet me préoccupe depuis 48 ans, tandis qu'il vous préoccupe depuis peut-être deux ans. Entre 48 ans et deux ans, il y a un monde de différence. Je vous répète que ce que vous avez dit est un cautère sur une jambe de bois. Vous allez restaurer la mise en cohérence de la recherche par une solution de rapprochement par exemple du GOSS et du GIA. Vous recherchez la cohérence en matière de financement, de nature de la recherche, etc. Tant mieux mais honnêtement, cela ne va pas régler le problème. Il faut aller dans ce sens mais nous considérons que si nous voulons régler un problème aussi grave, aussi complexe, aussi difficile, allant de l'humain au foncier, du foncier au sous-sol, du sous-sol aux eaux souterraines, des eaux souterraines à la vie de chacun, etc. nous devons connaître la vérité. Par exemple, pour quelle raison les Martiniquais n'auraient-ils pas le droit de savoir exactement quelles sont les terres polluées et à quel niveau ? Cela demande de la recherche, cela demande de l'analyse. Quels laboratoires font les analyses ? Il n'existe aucun laboratoire équipé, structuré et organisé à l'exception du laboratoire départemental de la Martinique, qui a pu obtenir quelques moyens pour être à même d'analyser sur place. Une jeune femme, Sarra Gaspard, qui travaille à l'Université des Antilles, cherche des financements depuis quinze ans pour faire évoluer la remédiation naturelle du sol. Elle attend année après année. Pensez-vous que le pêcheur attend, que l'agriculteur attend ?
Je ne suis pas venu vous faire la guerre mais vous sensibiliser. Nous avons auditionné l'Agence nationale de la recherche et nous avons bien compris que si le Président de la République, comme pour le glyphosate, a décidé d'avoir un délégué interministériel qui coordonne l'ensemble matin, midi et soir, la coordination nationale sur le chlordécone représentera deux réunions de 10 minutes par an. Je suis bien informé. Nous devons changer de braquet. Je ne plaisante pas, c'est une souffrance. Notre demande est claire : pourriez-vous accepter que la question de la priorité stratégique du chlordécone pour 800 000 personnes devienne une réalité ? Si vous ne l'acceptez pas, c'est votre problème mais au moins le monde le saura. Le chlordécone devrait être déclaré enjeu d'intérêt national. Si nous n'obtenons pas ce minimum, cela n'a plus de sens.
Ce débat est l'affaire de tous. Nous devons rendre un rapport. Pour l'instant, la ministre ne répond pas à ma demande : priorité stratégique nationale, oui ou non ?