Intervention de Agnès Buzyn

Réunion du lundi 14 octobre 2019 à 15h00
Commission d'enquête sur l'impact économique, sanitaire et environnemental de l'utilisation du chlordécone et du paraquat comme insecticides agricoles dans les territoires de guadeloupe et de martinique, sur les responsabilités publiques et privées dans la prolongation de leur autorisation et évaluant la nécessité et les modalités d'une indemnisation des préjudices des victimes et de ces territoires

Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé :

C'est une question très importante. Il faut savoir prendre les bonnes décisions. Il faut savoir quelles sont les terres impactées. Vous avez raison, j'ai cru comprendre de tout ce que j'ai vu et entendu que les ruissellements des eaux de pluie font que là où nous ne nous attendions pas à avoir du chlordécone, nous en avons parfois. Pour moi, il y a trois façons d'agir. D'abord, il faut une vraie cartographie des sols contaminés. Ce n'est pas mon ministère qui en est chargé, mais le ministère de l'agriculture. Je vous laisserai donc peut-être lui poser la question pour savoir où en est cette cartographie sur laquelle nous nous étions engagés. J'ai par contre la responsabilité des eaux. Cela fait partie du suivi des agences d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES). J'ai envoyé en mission un chef de bureau de mon ministère et de l'ANSES en responsable des eaux. Il s'est rendu en Guadeloupe fin septembre pour vérifier qu'il n'y a pas d'anomalie, mais les eaux sont très surveillées. Les eaux font l'objet d'une surveillance très attentive.

Ensuite, quand les parcelles de terrains agricoles sont contaminées, il y a maintenant de plus en plus d'études qui montrent que certaines plantes n'aspirent pas le chlordécone. Il faut changer le type de semences pour utiliser des plantes qui vont pousser sans aspirer le chlordécone. Je l'ai vu quand j'étais en Guadeloupe et en Martinique, c'est très impressionnant. Nous sommes quand même capables de pouvoir utiliser ces sols contaminés grâce au changement de plantes cultivées. C'est une première piste, mais le ministre de l'agriculture en parlera évidemment mieux que moi.

Ensuite, je veux garantir à la population qu'elle peut cultiver son propre jardin en toute confiance. J'ai demandé à toutes les ARS, à la demande de chaque citoyen antillais, que leurs jardins puissent être testés pour la contamination au chlordécone, de façon à pouvoir être rassurés. Quand le jardin est négatif pour le chlordécone, on peut cultiver les tomates, les fruits, il n'y a aucun danger. Il me semble que nous avons lancé cette initiative des jardins familiaux il y a un peu plus d'un an. Nous l'avons renforcée. L'argent est là. C'est un bon à tirer – si je puis dire – pour la population. Il ne faut pas hésiter, je le dis encore, si nos concitoyens nous écoutent. Il faut se tourner vers l'agence régionale de santé et demander que les jardins soient testés. Cette initiative jardins familiaux a été multipliée par deux l'année dernière, ce qui prouve que plus on informe, plus les gens se font tester et peuvent recourir à des cultures pour leur propre consommation.

C'est un programme de diagnostic sur l'état de contamination des sols, un programme d'accompagnement qui délivre des conseils agronomiques et alimentaires pour réduire les expositions, et réalise des actions d'information et de communication vis-à-vis de la population pour qu'elle s'empare d'une meilleure connaissance de ces sujets.

Enfin, vous m'avez dit être rassurée de voir qu'il y a des études. Oui, il y a des études, qui ont d'ailleurs été commencées par d'autres gouvernements. Je ne suis pas la seule en charge de cela. Les plans chlordécone antérieurs ont déjà permis la réalisation des études.

Je veux accompagner les chercheurs des universités dans ces démarches pour mieux identifier les pathologies, le risque sanitaire. J'ai demandé à l'INCa de financer un programme de recherche dédié spécifique de haut niveau, dès 2020, avec un fonds qui va être sanctuarisé pour les chercheurs qui décideront de s'engager dans cette recherche, car malheureusement, nous disposons de peu d'études internationales. Comme c'est un produit qui a été peu ou moins utilisé dans d'autres pays, nous disposons d'assez peu de littérature scientifique. C'est bien la difficulté. Un des enjeux est notamment de bien connaître la part attribuable au chlordécone dans les cancers de la prostate aux Antilles, puisque nous savons qu'il y a un facteur génétique, mais potentiellement aussi un facteur environnemental. C'est l'objectif de ces études.

Je veux quand même dire à la population guadeloupéenne et antillaise – c'est très important, nous sommes toujours très anxieux quand il s'agit de cancer – que globalement, l'incidence des cancers en Guadeloupe et aux Antilles est bien inférieure à celle de l'Hexagone. Souvent, les Antillais que je rencontre me disent qu'ils ont l'impression qu'il y a plein de cancers, mais c'est vrai aussi en métropole, parce que les gens en parlent plus facilement. C'est une thématique qui n'est plus honteuse. Nous entendons parler des cancers, mais quand nous regardons les registres des cancers – il y a un très bon registre aux Antilles – l'incidence, c'est-à-dire le nombre de cas de cancers pour 100 000 habitants en Guadeloupe et en Martinique, est quand même plus faible que pour la population métropolitaine. Est-ce le mode de vie ? Est-ce l'alimentation ? Est-ce la pollution ? Je n'en sais rien, mais je veux quand même rassurer un peu les Guadeloupéens qui ont cette inquiétude. Je l'entends.

Enfin, j'ai un message très important vis-à-vis des femmes enceintes et des enfants. Il faut éviter à tout prix les légumes racines. Ce sont ceux qui absorbent le plus de chlordécone. Il faut donc faire vérifier son jardin familial pour pouvoir en profiter. Il faut viser le zéro chlordécone dans l'alimentation en achetant de l'alimentation contrôlée, pas celle qui est sur le côté de la route. Il faut vraiment faire attention aux circuits informels, en particulier pour les femmes enceintes et les enfants qui sont les plus vulnérables. Nous avons un programme dédié aux femmes enceintes, notamment sur l'information, pour éviter toute contamination via l'alimentaire.

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