La situation aurait été différente aux États-Unis ou dans d'autres pays. Reprenons : une étude est conduite par des chercheurs au sein d'un institut public de recherche, dans une structure labellisée, évaluée. Elle est réalisée dans un petit territoire, peuplé seulement de 800 000 habitants. Elle est publiée dans une revue d'excellence – peut-être la meilleure revue de cancérologie au monde. On pourrait penser que c'est suffisant. Je rappelle que le projet Karuprostate a été financé par un programme hospitalier de recherche clinique national, par le ministère de la Santé, par un plan pluri-formations du ministère de l'enseignement et de la recherche, par des subventions du ministère chargé de l'Outre-mer, mais aussi par des associations privées, telles l'Association pour la recherche contre le cancer et la Ligue nationale contre le cancer. Bien sûr, la critique scientifique est normale, et je suis le premier à l'accepter. Néanmoins, il y avait un corpus de connaissances, appuyé bien sûr par d'autres données sur la cancérogénicité de la molécule, par des travaux effectués par nombre d'institutions dans le monde et d'autres chercheurs. On pouvait considérer que ce corpus de connaissances suffisait pour guider l'action publique, car tel est bien l'objectif que poursuivent les chercheurs de l'INSERM.
Donc oui, on aurait pu se passer de cette étude identique en Martinique. J'ai toutefois demandé à pouvoir m'intéresser à d'autres facteurs que le chlordécone, car pour le cancer de la prostate, de nombreux autres facteurs interviennent, en particulier dans les populations dites d'ascendance africaine où l'incidence est plus élevée.