Votre question est pertinente et mérite des éclaircissements. On confond très souvent incidence de la maladie – c'est-à-dire le fait qu'une maladie soit très fréquente à un moment donné, à un endroit donné – et le fait qu'un facteur, un agent extérieur X ou Y (chlordécone, virus, alimentation…) soit associé au risque de survenue de la maladie. Lorsqu'on a un facteur de risque très puissant – par exemple le tabac : le lien qui existe entre tabac et cancer du poumon est très fort. Donc on sait que, dans les populations où le tabagisme est important, l'incidence du cancer du poumon est élevée. Et lorsque les populations diminuent leur consommation de tabac, l'incidence diminue, et de façon massive… Pour le chlordécone, comme pour beaucoup d'agents environnementaux, – on est loin tout de même de la situation de l'amiante en exposition professionnelle, je tiens à le préciser – on est face à ce que l'on appelle dans notre jargon professionnel, des risques environnementaux faibles. Faibles, ne veut pas dire qu'ils n'existent pas. Faibles, signifie que l'intensité du lien est relativement petite. Mais comme elle concerne une large population, le nombre de cas peut néanmoins être important. J'en reviens à l'incidence : l'incidence est élevée. Lorsqu'on compare ce qui est comparable, on est dans les mêmes ordres de grandeur d'incidence observée dans les populations afro-américaines aux États-Unis et parmi les populations caribéennes ou d'origine africaine continentale résidant au Royaume-Uni. Cela ne veut pas dire que le chlordécone n'intervient pas dans l'incidence, mais cela n'explique pas la majeure partie de l'incidence.