On ne peut pas dire qu'on n'a rien fait. Je suis témoin qu'à partir de 1999, les services décentralisés de l'État en Guadeloupe et en Martinique ont fait face au problème. En contrôlant la qualité des eaux d'abord, puis en avertissant les autorités centrales du problème… Elles en ont pris conscience et progressivement, des mesures ont été prises. Je pense par exemple aux arrêtés préfectoraux – qui commencent à limiter certaines cultures, en particulier les légumes racines, sur des sols contaminés. À partir de 2008, comme vous le savez, les plans d'action chlordécone ont été lancés. Lorsque je porte un regard global, bien sûr des choses ont été faites. Certaines moins bien que d'autres, d'autres mieux que d'autres, mais c'est normal…
Il y a toutefois quelque chose qui m'interpelle, je l'avais évoqué lors de la conférence introductive au colloque sur le chlordécone en Martinique en octobre dernier. J'y avais montré un extrait de presse publié aux États-Unis en 1976, suite à la catastrophe de Hopewell. Je rappelle les faits : une ville de 10 000 habitants, une usine, une centaine de travailleurs exposés, une pollution de la rivière James, de l'estuaire à forte production marine (en particulier le fameux crabe bleu de Virginie), et un bassin populationnel affecté de 400 000 personnes : on est dans des dimensions macroscopiques un peu similaires. Or on trouve dans la presse, la déclaration des autorités de cet État américain, qui disent ; « on est face à un dossier dont le coût est estimé à deux milliards de dollars. » Je dis bien deux milliards de dollars ! Je ne sais pas si c'est vrai, mais c'est le chiffre qui était avancé. Eh bien, en trois-quatre ans, les autorités américaines ont réglé ce dossier, tant sur le plan juridique que sur celui des mesures de prévention.
Alors – je répète qu'il s'agit de mon opinion personnelle – oui, on a fait des choses et oui, on peut les améliorer. Peut-être n'a-t-on pas pris la mesure de l'ampleur d'un problème nouveau. Mais je me suis déjà demandé publiquement si on aurait réagi de la même façon si le chlordécone avait été utilisé dans ma région, la Bretagne, pour protéger la culture d'artichauts du Léon et qu'on avait un tiers des surfaces agricoles, un tiers du littoral marin de la Bretagne pollués par un contaminant dont sait qu'il va rester là pendant des décennies. N'aurait-on pas mis un braquet un petit peu plus élevé ?
Mais j'aime regarder de l'avant : avec l'annonce qui a été faite par la ministre des Outre-mer d'un plan Chlordécone IV, on peut espérer qu'on prenne la mesure de l'ampleur du problème. Bien sûr, cela va coûter cher, mais il faut avancer !