Je précise qu'en 2003, les sources disponibles étaient quasiment toutes américaines et dataient de la crise d'Hopewell. Nous disposions de deux types de données : des données expérimentales, respectivement issues de l'expérimentation sur les animaux et des données épidémiologiques élaborées à partir des analyses effectuées sur les travailleurs surexposés de l'usine d'Hopewell. Ces derniers l'ayant été à un niveau extrême, une extrapolation sur la population générale n'était pas possible. C'est donc sur les premières que s'est fondé l'établissement des transthyrétines (TTR). Les animaux ont reçu une dose externe à travers l'alimentation qui leur a été distribuée et c'est à partir d'elle que la valeur toxicologique de référence (VTR) a été établie – d'où un mode d'expression, par exemple, en microgrammes par kilo de poids corporel et par jour.
En 2014, nous avons essayé de définir une valeur critique d'imprégnation, des travaux français ayant permis d'ajouter quelques données épidémiologiques. Néanmoins, j'ai travaillé sur une autre famille de polluants faisant partie des organochlorés, les polychlorobiphényles (PCB) et il est extrêmement rare de pouvoir en obtenir une. Le plomb a été très étudié mais c'est relativement rare de pouvoir le faire pour les éléments organiques. S'agissant des PCB, la littérature mondiale est très abondante et nous disposions de sous-populations très exposées – les Inuits et les Tchèques, étudiés respectivement par les Canadiens et les Américains – ce qui a permis de conclure à une valeur d'imprégnation critique.
Le problème, c'est que la crise du chlordécone, en un sens, est franco-française. Les importants travaux des chercheurs et des agences ne parviennent à obtenir que des données restreintes par rapport à ce qui serait nécessaire pour établir une telle valeur. C'est toute la difficulté pour que nous puissions interpréter la chlordéconémie.
Un groupe de travail est à pied d'oeuvre, la modélisation a progressé et il importe maintenant d'être capable de faire un aller-retour entre une dose externe et une dose interne – la dose sanguine – et, à l'inverse, de partir de cette dernière, à la base de l'imprégnation critique, pour en déduire une VTR sur le même modèle que celui établi en 2003.
Le manque de données toxicologiques et épidémiologiques chez l'homme a marqué une limite pour notre travail mais elle sera levée en fonction des données disponibles.