Intervention de Roger Genet

Réunion du lundi 8 juillet 2019 à 11h00
Commission d'enquête sur l'impact économique, sanitaire et environnemental de l'utilisation du chlordécone et du paraquat comme insecticides agricoles dans les territoires de guadeloupe et de martinique, sur les responsabilités publiques et privées dans la prolongation de leur autorisation et évaluant la nécessité et les modalités d'une indemnisation des préjudices des victimes et de ces territoires

Roger Genet, directeur général de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) :

J'aimerais pouvoir vous convaincre, et c'est avec plaisir que nous vous inviterions à l'ANSES pour vous montrer comment les AMM sont délivrées aujourd'hui. En effet, depuis la création en 2002 de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et la standardisation de l'ensemble du processus d'autorisation de mise sur le marché, beaucoup de progrès ont été réalisés.

L'indépendance constitue le premier pilier de cette expertise. Nous disposons d'une grille des liens d'intérêts de tous nos experts et de tous les personnels de l'Agence impliqués dans des interfaces avec des porteurs d'enjeux. Leur déclaration publique d'intérêts est analysée ; elle est consultable sur le site internet du ministère de la santé. Il m'est même arrivé de procéder à un changement de poste interne lié à un changement d'affectation d'un conjoint amené à travailler avec une personne concernée par l'AMM. Nous allons donc très loin dans la conformité déontologique ainsi que dans l'indépendance de nos experts ou de nos personnels impliqués. Cela n'empêche pas qu'ils puissent commettre des erreurs, mais nous sommes extrêmement vigilants.

Notre expertise est collégiale, lorsqu'une autorisation de mise sur le marché est évaluée par notre direction de l'évaluation des produits réglementés, sept experts de l'ANSES différents vont statuer sur les différentes parties du dossier portant respectivement sur la toxicologie, l'écotoxicologie, l'agronomie, l'impact sur l'eau, sur l'homme, etc. Les dossiers sont ensuite présentés à un comité d'experts spécialisés externes à l'Agence pour chacun d'entre eux.

En Europe, l'évaluation d'un produit réglementé commence par une demande de la part d'un industriel d'une AMM pour différents usages d'un produit ; ce qui implique une posologie donnée pour chaque usage particulier d'un ravageur donné.

Au départ tout est interdit, et nous attribuons les autorisations usage par usage au regard des données que l'industriel fournit pour prouver l'innocuité de son produit dans les conditions d'utilisation prévues. Nous vérifions donc l'efficacité et l'innocuité du produit afin de lever tout risque inacceptable. Bien entendu, il reste un produit biologiquement actif, et bien entendu, nous vérifions aussi l'impact environnemental sur l'homme et les organismes cibles.

Nous prenons donc le maximum de protections pour autoriser l'usage d'un produit dans des utilisations données.

En revanche, le contrôle ne relève pas de notre responsabilité, car, lors de l'adoption de la loi d'orientation agricole en 2014, les parlementaires n'ont pas souhaité transférer à l'ANSES les structures de contrôle, qui sont demeurées à différents niveaux. Mais six services de contrôle sont aujourd'hui compétents pour l'usage d'un produit phytosanitaire ; les uns par exemple vérifient que le cahier d'usage du produit concerné est bien rempli par les agriculteurs qui l'utilisent, et que sur telle surface tel produit autorisé a été épandu. Par ailleurs des services déconcentrés de l'État contrôlent et expertisent les stocks ; ainsi avons-nous interdit l'usage des nicotinoïdes ou retirons-nous régulièrement des autorisations d'utilisation de produits phytosanitaires. Dès lors les professionnels utilisateurs de ces produits comme les centrales de distribution ont l'obligation de les retirer, leur responsabilité pénale est engagée, et es actions pourraient être entreprises pour faire appliquer la loi.

De même, depuis le 1er janvier 2019, et l'ANSES le rappelle, mais ne peut faire que le rappeler ; tous les usages amateurs de produits phytosanitaires ont été interdits par la loi du 6 février 2014 visant à mieux encadrer l'utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national dite «  loi Labbé  ». Il ne s'agit d'ailleurs pas de la seule interdiction de l'utilisation, mais aussi de la détention par tout particulier de tout produit phytosanitaire. Et chacun d'entre nous a l'obligation de ramener dans les décharges les produits qu'il détient à domicile. C'est pourquoi il est difficile de pratiquer des contrôles systématiques, et qu'il faut rappeler l'obligation légale créée par la loi ainsi que la responsabilité de chacun en la matière.

Il existe donc effectivement des services de contrôle, et le directeur général de l'alimentation ou d'autres services de l'État pourraient répondre plus précisément que moi, mais ce n'est pas une responsabilité de l'ANSES.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.