Intervention de Gérard Lasfargues

Réunion du lundi 8 juillet 2019 à 11h00
Commission d'enquête sur l'impact économique, sanitaire et environnemental de l'utilisation du chlordécone et du paraquat comme insecticides agricoles dans les territoires de guadeloupe et de martinique, sur les responsabilités publiques et privées dans la prolongation de leur autorisation et évaluant la nécessité et les modalités d'une indemnisation des préjudices des victimes et de ces territoires

Gérard Lasfargues, directeur général délégué du pôle sciences pour l'expertise de l'ANSES :

L'expertise scientifique préalable à la constitution de tableaux de maladies professionnelles ou à des recommandations pour les comités régionaux de reconnaissance de maladie professionnelle a été confiée à l'ANSES. Notre mission est de fournir les éléments scientifiques qui permettront aux partenaires sociaux siégeant dans les commissions des maladies professionnelles du régime général et du régime agricole de discuter de l'opportunité de créer un tableau. La décision finale appartiendra à la direction générale du travail (DGT) pour le régime général et, pour ce qui concerne le régime agricole, au ministère de l'agriculture.

Pour saisir l'enjeu de la création d'un tableau de maladie professionnelle, il faut comprendre le mécanisme de la présomption d'origine. Si un tableau existe, désignant la pathologie et les travaux y exposant, et s'il est montré que la personne a été exposée de façon habituelle dans son travail à la chlordécone, alors la présomption d'origine fait qu'elle sera reconnue en maladie professionnelle. S'il n'existe pas de tableau et que le dossier doit passer par les comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles, il n'y a plus de présomption d'origine : il revient à la personne de prouver qu'il existe un lien direct et essentiel entre son exposition et sa pathologie, ce qui est beaucoup plus difficile et réduit fortement les chances de reconnaissance de maladie professionnelle.

Prenons l'exemple classique de l'amiante : il existe un tableau pour le cancer du poumon. Si la personne a été exposée à l'amiante durant sa vie professionnelle, de façon habituelle et régulière et qu'elle est atteinte d'un cancer du poumon, elle sera reconnue en maladie professionnelle, même si elle fumait trois paquets de cigarettes par jour.

Le groupe de travail s'attachera donc à indiquer quelle pathologie peut être reconnue, si le cancer de la prostate, notamment, peut figurer dans la première colonne du tableau. Il lui faudra aussi indiquer un niveau de risque – possible, probable, avéré – en lien avec l'exposition à la chlordécone. Il le fera sur la base d'une analyse rigoureuse de l'ensemble des publications scientifiques – nous prendrons bien évidemment en compte les données de l'expertise INSERM et nous auditionnerons Luc Multigner. La qualité des études étant variable, l'ANSES a mis au point une méthodologie d'évaluation du niveau de preuve qui sera rendue publique.

Ce groupe de travail, qui auditionnera aussi les acteurs locaux, s'attachera à déterminer quels sont les travaux exposants, ainsi que le temps de latence des pathologies. Un cancer peut se déclarer dix, vingt, trente ans après l'exposition. Ces éléments permettent de définir le délai de prise en charge, qui indique le temps entre la fin de l'exposition et le moment où le diagnostic officiel est posé, un facteur très important dans la mesure où l'on sait que la moitié des cancers professionnels se déclarent chez les personnes âgées de plus de 60 ans, donc à la retraite.

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