Le premier plan chlordécone et tous ceux qui lui ont succédé affichaient un montant d'environ 30 millions d'euros. En fait, ce premier plan est loin d'avoir consommé la totalité de ces sommes, le bilan que nous avons réalisé à son terme atteint à peine 23 millions.
Mais je ne suis pas sûr que le volume financier consacré soit la bonne mesure de l'importance que l'État et ses partenaires accordent à l'enjeu. Certes, on peut augmenter les crédits pour effectuer plus de contrôles, mais ces contrôles seront-ils efficaces ? Vont-ils inspirer confiance, et permettre aux producteurs locaux de continuer à vivre honnêtement de leur travail ? La recherche aura-t-elle les moyens ? On peut lui attribuer des crédits, mais ces derniers sont-ils sanctuarisés pour le chlordécone. C'était le cas au départ, mais depuis la création de l'Agence nationale de la recherche (ANR), les chercheurs ont eu des difficultés pour travailler sur un sujet très local, qui ne touche pas à la recherche fondamentale et n'intéresse donc pas forcément l'ANR.
En matière de remédiation, un important travail a été réalisé en 2010 pour trouver des pistes d'amélioration. C'est un enjeu très fort, et il faut y consacrer beaucoup de moyens.
Pour l'accompagnement des producteurs, nous sommes limités par les règles de droit commun et le carcan des aides européennes à la pêche et à l'agriculture. L'État n'a pas considéré dès le départ le chlordécone comme un problème de sol pollué, et il est vrai qu'il ne s'agit pas de sites industriels, de décharges ou de sites orphelins, mais de sols à vocation agricole, pollués de façon diffuse et à grande échelle. Ce choix de l'État impose de passer sous les fourches caudines du contrôle des aides accordées aux producteurs. Les aides à la pêche ont donc été limitées de minimis. Quant aux aides à l'agriculture, elles ont été presque nulles, à l'exception des aides versées par le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) pour accompagner la réduction des LMR de 50 à 20 microgrammes.
Cette manière d'accompagner les producteurs n'est pas la meilleure pour leur permettre de supporter les conséquences de cette pollution, ni pour garantir la qualité de l'alimentation, car les producteurs qui ne sont pas suffisamment aidés risquent de continuer à cultiver des sols dans des conditions n'assurant pas la qualité des productions et la santé des populations. J'ai développé ce point dans plusieurs notes argumentées, et la mission d'évaluation du plan de 2011 a partagé ce constat, ainsi que le préfet Prévost, dans un courrier préparé par mes soins qu'il a signé en 2012 à l'issue du travail réalisé sur les fiches action du plan.
L'évolution des plans chlordécone ne doit donc pas être considérée au regard des seuls crédits alloués, c'est aussi une approche de long terme qui sécurise à la fois les producteurs et les consommateurs. On a réussi à saper la confiance dans les productions locales de différentes manières : en ayant un discours pas toujours très honnête, à savoir la dernière phase sur les LMR, en voulant cacher l'information sur la contamination des sols pendant des années – car il a fallu des années avant de publier la carte de contamination des sols à la parcelle…