Je n'avais plus accès à certaines informations et, en matière de communication, je me trouvais en opposition totale avec certains services de l'État. Je ne disposais par ailleurs pas non plus du soutien nécessaire.
J'étais en outre quasiment interdit de séjour en Guadeloupe, même si ce processus a connu différentes étapes. Les difficultés sont apparues à partir du moment où le Liyannaj Kont Pwofitasyon est arrivé sur le terrain : il ne fallait plus parler de chlordécone car cela revenait, m'a-t-on dit alors, à faire grandir cette formation au détriment de l'État et à lui donner des moyens de le maltraiter. Or à mon sens, précisément, moins l'on parlait de chlordécone, plus on risquait d'attiser le feu.
J'ai au cours de la période suivante essayé de faire un peu plus bouger les choses en Guadeloupe, afin que celle-ci atteigne le même niveau de vigilance que la Martinique. Le préfet concerné m'a alors apostrophé en ces termes : « Enfin, monsieur Godard, je n'entends jamais parler de chlordécone sur le terrain, que ce soit de la part du public, des associations, des professionnels ou de quiconque : ce n'est donc pas sur ce sujet que je vais mobiliser mes services. » Or mon action visait à demander des efforts supplémentaires à ses services, notamment à la DAAF, afin qu'elle lance de nouveaux contrôles en matière de pêches.
En 2012, j'ai eu beaucoup de mal à faire accepter en Guadeloupe le colloque que nous avons organisé avec tous les chercheurs spécialistes d'agro-environnement afin de faire le point sur les recherches menées. Le colloque de 2018 n'a pas été le premier organisé sur le sujet, même s'il a, certes, abordé la question de la santé qui ne l'avait pas été sous la même forme par son devancier.
En 2012, un colloque de deux jours avait, tant en Martinique qu'en Guadeloupe, présenté tous les résultats acquis par la recherche agro-environnementale. Le préfet de Guadeloupe avait fini par organiser la manifestation, mais, comme il me l'a dit, le pistolet sur la tempe – dans la mesure où elle avait eu lieu en Martinique, il était en effet impensable qu'elle n'ait pas lieu en Guadeloupe, même s'il y était initialement totalement opposé.
Lors du débat qui a suivi les exposés des chercheurs, les associations ont pourtant fait montre d'un grand intérêt pour la question, ce qui a occasionné un revirement. La préfecture de Guadeloupe s'est ensuite en quelque sorte plainte de mon action auprès du ministère de l'intérieur, car celle-ci constituait désormais selon elle presque un frein ! Elle a, à cette occasion, demandé de gérer le PITE de façon indépendante, afin de pouvoir l'utiliser comme elle l'entendait. Je m'opposais en effet à certaines de ses initiatives en la matière – je pense à la prise en charge de carcasses à l'abattoir, question sur laquelle j'ai dû consulter le niveau national – pour des raisons tenant à la cohérence de l'action publique entre les deux îles.
Un directeur de la mer en poste en Guadeloupe s'est en outre plaint de mon action, arguant que le préfet de Martinique avait auprès de lui un chargé de mission interrégional qui travaillait essentiellement pour la Martinique et non pour la Guadeloupe. Cette anecdote vous donne une idée de l'ambiance sur place.