À l'origine de cette réforme, il devait y avoir surtout des gagnants, voire seulement des gagnants. Des exemples de « grands gagnants » étaient même avancés : les femmes – nous avons démontré depuis que ce n'était pas le cas – , ou les agriculteurs, qui devaient, grand bien leur fasse, être concernés par la retraite minimale de 1 000 euros. Or nous avons bien montré que les actuels retraités ne seraient pas concernés, non plus que 40 % des agriculteurs. Il ne sont donc pas des grands gagnants.
Nous parlons maintenant des enseignants. Vous avez avancé l'idée d'une revalorisation. Cela signifierait redonner de la valeur à leur métier, par exemple en augmentant leur rémunération, à travail égal. Vous ne pouvez prétendre découvrir la baisse de pouvoir d'achat qu'ont subie les professeurs, ni la faiblesse de leurs salaires, en comparaison avec ceux de leurs homologues des pays voisins. En trois ans, qu'avez-vous fait ? Vous avez prolongé le gel du point d'indice et rétabli le jour de carence. Bref, vous avez fait des économies sur leur dos ! Il a fallu l'arrivée de la réforme des retraites pour qu'il soit question d'une éventuelle revalorisation. D'ailleurs, étant donné ce qu'ils ont à perdre avec cette réforme, on ne peut pas parler de revalorisation : c'est à peine une compensation – bien maigre. En fait, mieux vaudrait évoquer un dédommagement. En outre, vous leur demandez des contreparties, avec une possible réorientation, ou redéfinition, de leurs missions : cela n'a rien d'une revalorisation. La compensation attendue ne compensera même pas les effets de l'inflation sur leurs revenus : c'est en dessous de tout !
Cette affaire fera surtout des perdants : pas de grands gagnants, mais des grands perdants – notamment les enseignants. Vous êtes prêts à toutes sortes de gesticulations, mais vous ne garantissez absolument pas leur niveau de pension, du moins pas dans les proportions que l'on attendrait.
C'est vrai : cette réforme des retraites encouragera la capitalisation – d'autres l'ont dit, mais je veux contribuer au débat. Sans même évoquer les hauts revenus, celles et ceux qui voudront partir à 62 ans, sans avoir atteint l'âge d'équilibre, seront encouragés à compléter leur pension à l'aide d'assurances et de produits financiers, que d'ailleurs les banques leur proposent déjà, sans attendre que le texte soit adopté et promulgué. Quant aux hauts revenus, vous leur adressez un message clair : si vous avez du fric, ne vous embêtez pas avec la sécurité sociale, elle appartient à un modèle rétrograde ; souscrivez plutôt aux placements dynamiques des assureurs et des banques, vous compenserez le manque à gagner lié à la réforme.